12. Autour de Max Bill et du Bauhaus.
12. Eléments du cours du mercredi 10 février 2010
Autour de Max Bill (1908-1994) architecte, designer, sculpteur, peintre, graphiste et typographe.
DVD Max Bill, un regard absolu, un film du documentariste Erich Schmid. 2009.
Max Bill peu avant sa mort en 1994Le synopis expliqué par le réalisateur Erich Schmid
Max Bill 100, Haus Konstruktiv, Zurich 2009
Si l’on essaie de repenser les beaux-arts comme une figure* (une forme) parmi d’autres artefacts (de toutes disciplines relevant des arts), dans le paysage*, — qu’on pourrait définir par la formule «aucun médium ne prend le pas sur l’autre» appartenant en propre à l’art contemporain—, et d’en faire la généalogie, on trouvera Max Bill mais avant lui, à la fin du 19e siècle William Morris, (Angleterre), puis dès le début du 20e siècle, Walter Gropius (Allemagne) et une institution Le Bauhaus dans ses trois périodes successives de 1919 à 1933, et une quatrième période, à Ulm, de 1951 à 1968 mais sous un autre nom. La reprise de l’école à Ulm est à l’initiative et sous la direction de Max Bill qui en conçoit les bâtiments. Il quitte l’école cinq ans plus tard, en désaccord avec les enseignants et celle-là sera définitivement fermée en 1968.
«Max Bill versus Guy Debord et Asger Jorn». En contrechamp du situationnisme, l’art de Max Bill relève d’une autre attitude empathique avec les personnes ordinaires vivant en milieu urbain dans ses bâtiments collectifs. En témoignent le théâtre de Vidy à Lausanne, la sculpture anti labyrinthique dans une rue de Zurich ou le pavillon suisse des Giardini à Venise. Max Bill est une figure exemplaire de l’artiste antifasciste. Et une référence avec Richard Paul Lohse, pour la scène contemporaine artistique romande et, au-delà d’Armleder, des peintres abstraits néo-géo actuels.
Chronologie d’une déhiérarchisation des arts. L’expérience du Bauhaus.
William Morris est le premier acteur de la déhiérarchisation des arts avec le mouvement Arts and Crafts dès la deuxième moitié du 19e siècle en Angleterre. John Ruskin est l’autre penseur-acteur de ce qui est un mouvement de résistance à la médiocrité des premiers produits industriels proposés au public, mais si Ruskin regarde vers la tradition artisanale, Morris travaille à un renouvellement des arts décoratifs et une production industrielle, à moyenne échelle, de meubles, de pièces d’orfèvrerie et de papiers peints bon marché. Il crée une imprimerie pour éditer des livres. L’architecture reste «l’art par excellence» capable de tout harmoniser mais pour l’heure la compétence artistique du peintre s’exerce dans les arts appliqués. Il pense dans un premier temps l’alliance entre l’artiste —pour la conception de produit— et l’artisan —pour le savoir-faire— mais au-delà voit déjà l’alliance productive entre l’artiste et l’industriel et l’interdépendance et la synthèse à effectuer entre l’invention par l’artiste, la fabrication par l’industriel et la diffusion pour le consommateur. «Parvenir à une unité entre la forme, la technique et l’économie.»
Morris est une référence pour Walter Gropius, architecte à Berlin, sollicité dès 1915 pour initier un enseignement d’architecture dans le cadre d’une fusion en un seul établissement de l’école d’art dont Henry Van de Velde lui-même architecte quitte la direction et l’école d’arts appliqués à Weimar. L’Allemagne est une république depuis le 9 novembre 1918. Suit une période de guerre civile et de répression avec l’assassinat des dirigeants spartakistes Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht en 1919. Mais Le Conseil de travail pour l’art qui rassemble des artistes contestataires établit des relations avec la Russie soviétique.
31 janvier 1919. Gropius écrit aux institutions officielles de Weimar:
«Depuis le début de la guerre, j’étais au front et me voilà maintenant dans la situation de donner un nouveau cours à ma vie, me demandant si je dois me tourner ailleurs, où s’offre à moi une autre possibilité, qui, à vrai dire, me séduit moins. Depuis longtemps j’ai approfondi l’idée de redonner forme à une vie artistique à Weimar, j’ai établi des plans tout à fait précis à ce sujet et les ai communiqués sous forme de brochure au ministère, à une date déjà lointaine. Pour le moment j’ai repris une activité à Berlin, où par la parole et l’écrit, j’essaie d’agir pour que les différents ‘arts sortent de l’isolement où chacun se trouve, et que de nouveau, sous les ailes du grand art de construire, ils entretiennent des rapports étroits. Mais je suis pleinement conscient que de telles conceptions ne sont pas en mesure de germer dans une grande ville, plutôt dans une petite ville, à partir d’un cercle restreint d’artistes se sentant proches les uns des autres. Cela d’autant plus quand les vestiges d’une tradition ancienne peuvent y aider [Weimar est la ville de Goethe, de Schiller, de Liszt]. En tout cas, j’ai la ferme intention, que ce soit ici ou là, de consacrer tout mon travail à réaliser ces idées.»
mars 1919. Le Bauhaus (Maison pour la construction) d’Etat de Weimar est créé, dirigé par Walter Gropius, 36 ans, architecte. Sous-intitulé: Ecole supérieure d’art plastique et Ecole d’arts et métiers réunis. Les principes de départ selon Gropius:
«Je renvoie à l’importance pour la fécondation de l’artisanat et de l’industrie, de transformer les écoles en les orientant sur une pratique du travail manuel. On parviendra ainsi, en ouvrant de nouveaux ateliers en association avec les ateliers d’artisans qui existent à une communauté de travail qui regroupe l’ensemble des disciplines artistiques. Celle-ci sera en mesure, finalement, de créer par ses propres forces tout ce qui touche à la construction: l’architecture, la sculpture, la décoration intérieure, les arts appliqués, dans le contact le plus étroit avec les entreprise artisanales et les industries du pays.»
«Les sections d’architecture telles qu’elles existent aujourd’hui dans les écoles supérieures sont comme des enfants morts-nés, les cinquièmes roues du carrosse… le salut, ce serait des écoles du bâtiment et des ateliers ouverts par l’Etat. Le travail manuel, encore et toujours le travail manuel… Toutes les époques de splendeur artistique ont produit leurs œuvres grâce à un travail manuel souverainement maîtrisé. Si nous n’y revenons pas, il ne pourra plus y avoir aucun grand concepteur de formes, aucun architecte, aucun art de construire…»
Un seul atelier de lithographie existe à l’ouverture.
207 inscrits 101 filles et 106 garçons, beaucoup venus de l’école supérieure d’art plastique. «Ils vivent dans l’exaltation de l’expressionnisme, et portés par la marée des bois gravés, d’affiches, d’expositions autour d’eux, ils veulent devenir des peintres.» Un programme inapplicable. Le maître de forme (l’artiste) de l’atelier d’imprimerie est Lyonel Feininger, le maître de métier (l’artisan) est Carl Zaubitzer.
juin 1919. Feyninger écrit: «L’expérience que je suis en train de vivre, c’est exactement celle d’une sorte de médecin des âmes, mon activité se trouvant être, pour débuter, plutôt de nature psychologique… » «Extérioriser et affermir les dons latents des élèves.» Gropius présente les lignes du programme messianique:
« Pas de grandes associations intellectuelles, mais de petites ligues, corporations, loges, secrètes et fermées sur elles-mêmes. Des conjurations vont surgir, gardiennes d’un secret, d’un noyau de foi, et aspirant à s’exprimer en des formes artistiques, jusqu’au moment où de nouveau, à partir des groupes isolés, se condensera une grande idée rassembleuse, porteuse d’une spiritualité religieuse, qui trouvera finalement sa réalisation dans le cristal de la grande œuvre d’art total. Et cette grande œuvre de la totalité, cette cathédrale de l’avenir, inondera ensuite des rayons de sa pleine lumière les choses les plus infimes de la vie quotidienne.» «Je travaille à la réalisation des mes plans. A l’automne l’atelier pour les activités pratiques de sculpture sera fini d’installé. Pour la peinture, il y aura évidemment une formation de peintres décorateurs**. Ensuite, très lentement apparaîtra clairement qui veut rester parmi nous, qui est exactement apprenti, compagnon ou maître novice, car pour le moment ces notions ne sont qu’un amusement, étant donné qu’il leur manque encore le travail manuel correspondant. Beaucoup dépend de ce que, malgré les sombres perspectives économiques, je pourrai obtenir pour notre budget. S’il convient, je me lancerai à l’automne de toute mon énergie dans le remodelage du Bauhaus, en espérant créer pour vous un lieu où vous vous sentirez à votre aise.»
Johannes Itten, dans la lignée des pédagogues Pestalozzi et Montessori pratique le libre développement de l’individu. Puis devient mazdéiste. Il fait un cours préparatoire qui devient obligatoire et dirige les ateliers de sculpture sur pierre, de peinture sur verre, de menuiserie, de tissage. De 1919 à 1921, le Bauhaus repose sur lui.
20 septembre 1920. Gropius, malgré des tentatives de production et commercialisation d’objets conçus dans l’école annonce que «les résultats positifs du Bauhaus, jusqu’à maintenant sont extraordinairement minimes».
«Si deux maîtres, l’un technicien, l’autre artiste conduisent les ateliers, il manque encore l’interpénétration réciproque de l’enseignement des lois de la forme et de l’enseignement en atelier.»
«Ce que veut le Bauhaus, c’est former des architectes, des peintres et des sculpteurs de tous niveaux, selon les capacités de chacun, en des artisans compétents ou des artistes pouvant créer de manière autonome, et fonder une communauté de travail rassemblant des artistes capables de diriger des ouvrages d’art ou susceptibles de le devenir, sachant donner forme d’une manière identique et dans l’unité pour tout ce qui est englobé —le gros œuvre—, l’achèvement des travaux, la décoration, l’aménagement intérieur.» «Le Bauhaus a pour tâche de faire des jeunes gens doués pour les arts plastiques des artisans, des sculpteurs, des peintres et des architectes qui soient de manière créatrice des concepteurs de forme. L’instruction de tous a pour fondement, de façon homogène, le travail manuel.»
fin 1920. Paul Klee est chargé du cours de théorie de la forme et prend la responsabilité de l’atelier de reliure.
fin 1922. Kandinsky fait un cours théorique qui complète celui de Paul Klee, puis un cours d’étude de la couleur, tout en dirigeant à la suite d’Oskar Schlemmer, l’atelier de peinture murale.
1922. Un congrès dadaïste «constructiviste» se tient à Weimar. «Ce qui signifie l’acceptation de la civilisation industrielle, de l’utilisation des machines en art, de la technique et de la technologie.» Le terme vient de la Russie soviétique.
avril 1922. El Lissitzky et Ilya Erehnburg fondent à Berlin la revue Viechtch / Gegenstand / Objet. L’art constructiviste *** selon Lissitzky a «la tâche non pas d’orner la vie mais de l’organiser».
Laszlo Moholy-Nagy, Hongrois émigré à Berlin s’y associe. Van Doesburg, un des organisateurs du congrès dadaïste et qui est installé à Weimar depuis 1921, ne parviendra pas à intégrer le Bauhaus et dans la revue De Stijl, qu’il y publie alors, s’en prend violemment au Bauhaus. «Il y décrit l’exposition des travaux d’étudiants en mai 1922 d’excroissance malingre des expressions artistique du 20e siècle» et rejoint les détracteurs du Bauhaus. Il quittera Weimar en 1923. En 1963. Gropius écrit: «J’étais fortement contre l’idée de l’appeler au Bauhaus parce que —en tant que personne— il n’avait pas les qualités d’un bon pédagogue, et, de plus, parce qu’il était trop dogmatique, agressif, et qu’il abordait les problèmes d’une manière un peu trop simpliste.» Est critiqué l’esthétisme volontariste de De Stijl.
Les étudiants sont pauvres. Ils cultivent des légumes sur place, et pour se vêtir, «récupèrent des vieux uniformes de l’armée qu’ils teignent de toutes couleurs. »
Le Bauhaus devient aussi le lieu d’expérience théâtrales: «la scène comme laboratoire de physique où il est possible de démontrer les lois de la mécanique et de l’acoustique.»****
Le couple artiste et artisan ne fonctionne pas au sein des ateliers. La contradiction tend à disparaître avec une nouvelle génération de responsables techniques. Josef Albers, élève apprenti, devenu compagnon reprend l’atelier de peinture sur verre.
Au lieu de cathédrales, des machines à habiter.
«Gropius avec le départ d’Itten réitère une manière de travailler ‘issue de la vie actuelle, qui aurait pour résultat une forme fonctionnelle, un objet utile’.» Mathématique, physique, chimie entrent dans l’enseignement.
juin 1922. Oskar Schlemmer:
«Eloignement de l’utopie. Nous ne pouvons et ne devons atteindre que ce qu’il y a de plus réel, nous n’avons plus que la volonté de réaliser des idées. Au lieu de cathédrales, des machines à habiter. Eloignement, donc du moyen-ageux, de la notion médiévale d’artisanat, et finalement de l’artisanat lui-même, qui n’est que discipline et moyen pour concevoir des formes.» «En son temps, le Bauhaus fut fondé dans la perspective de la Cathédrale à construire ou l’église du socialisme, et les ateliers ont été installés à la manière des loges des bâtisseurs. Pour le moment l’idée de cathédrale est passée à l’arrière-plan, et avec elle certaines notions tout à fait précises de caractère artistiques. Il en va ainsi qu’aujourd’hui, en mettant les choses au mieux, ce à quoi il nous est permis de penser, c’est à la maison la plus simple qui soit en tout cas. Peut-être qu’en face de la misère économique, notre tâche est de nous faire les pionniers de la simplicité, c’est-à-dire de trouver pour tout produit de nécessité vitale la forme simple, adaptée à son usage et solide.»
1922. Le Livre des artistes nouveaux paraît à Berlin, fait par Moholy-Nagy artiste constructiviste. Rassemble Cubistes, Dadaïstes, Constructivistes: «remplacer le caractère statique de l’art classique par le caractère dynamique de la vie universelle», comme les gares dans les villes sont la présence de systèmes mécaniques dans l’environnement quotidien. Moholy-Nagy est le correspondant à Berlin de la revue Ma de Lajos Kassak (Hongrois), revue internationale des productions du «constructivisme», les Hollandais Oud et Doesburg, les Russes Lissitzky et Rodtchenko, les Français Ozenfant et Léger.
printemps 1923. Moholy-Nagy rejoint le Bauhaus. «L’univers de la production par la machine, avec les caractères fonctionnels et factuels qui lui sont propres, déterminait déjà l’image de l’avenir.» Moholy Nagy est l’acteur de la réforme du Bauhaus. Pionnier de l’art cinétique,
Moholy-Nagy reprend le cours d’Itten. Son maître d’atelier est Josef Albers, qui deviendra aux USA plus tard, le créateur de l’art optique. Etude de forme, mathématiques, physique, conférences de Klee et Kandinsky. Initiation à l’art contemporain, Lissitzky, Malevitch, associées à des visites d’usines. Au programme des cours: la connaissance intime des matériaux et de l’équilibre d’objets dans l’espace et «la réflexion sur les rapports entre le poids et les formes des objets. Comment parvenir aux formes les plus simples, pour que les objets concernés pèsent le moins lourd possible en ayant exactement les mêmes fonctions.
1926 à 1928. A Dessau, le travail est réorienté vers la production de prototypes industriels:
«Nous choisissions pour les jeunes apprentis, dira-t-il en 1938, des travaux à effectuer qui nécessitent l’usage de matériaux, d’outils et de machines, et qui, en même temps, aboutissaient à des objets d’utilité pratique. Le manque d’objets simples, fonctionnels, dans la vie quotidienne, était si grand en ces années-là que même de jeunes apprentis purent élaborer des modèles pour la fabrication industrielle (des cendriers, des théières…) et les brevets de ces prototypes leur furent payés.»
Les forces politiques de droite et d’extrême droite prennent le pouvoir en Thuringe. Sans soutien politique et sans autonomie financière, 1er avril 1925. Le Bauhaus de Weimar est dissous.
septembre 1926. Réouverture à Dessau, petite ville industrielle. Gropius est l’architecte des bâtiments de l’école entre 1925 et 1926.
«Pour accéder à l’école, dit Ozenfant, on franchissait des espaces vides, des champs, des décharges publiques, des stades, que traversait une seule rue bordée d’arbres. On voyait de loin ces bâtiments peints en blanc, aux lignes nettes et à l’aspect cubique.»
Tous les objets de décoration intérieure ont été créés dans les ateliers, dispersés dans la ville pendant le temps de la construction (1925-1926). Deux pôles: enseignement et production. Sa nouvelle dénomination est «Ecole supérieure de conception des formes.» L’atelier d’art plastique a pour objet «d’élaborer des formes géométriques et à étudier leur relation à l’espace.» Le Bauhaus se présente comme un laboratoire de recherche et vise à la formation de «concepteurs de formes» expérimentales et de qualité, capables de les imposer à l’industrie. Pour cela, il doit leur être apporté une «connaissance scrupuleuse des inventions, constructions et matériaux techniquement nouveaux.
1926. L’atelier d’imprimerie édite toute la communication visuelle de l’école et produit pour l’extérieur.
Herbert Bayer ex-élève du Bauhaus le dirige. Avec Albers et Marcel Breuer, ils sont la nouvelle génération d’enseignants, artistes-techniciens. La nouvelle typographie élémentaire, dans le fil du constructivisme, est «claire, exacte, sans équivoque», la composition typographique répond «en premier lieu aux lois de la psychologie et de la physiologie»
1925. Jan Tschichold pose les principes de cette «typographie élémentaire». L’accroissement de la lisibilité, c’est la suppression des majuscules, les contrastes entre couleurs primaires, utilisation du rouge et du noir. «Nous écrivons tout en minuscules, car ainsi nous gagnons du temps, pourquoi le double de signes quand la moitié suffit pour parvenir au même résultat?
décembre 1926. Hannes Meyer ouvre l’atelier d’architecture. Gropius réalise de 1926 à 1928 un programme de construction de maisons individuelles à Tortën dans la banlieue de Dessau. (316)
1928. Moholy Nagy quittera le Bauhaus, Josef Albers devient l’acteur principal de l’enseignement. L’«enseignement de base» ex-cours préliminaire inclut géométrie descriptive, cours de physique ou chimie.Le travail sur les matériaux perdure.
«La mise en œuvre de la forme, [dit Albers aux élèves], est dépendante du matériau avec lequel nous travaillons. Pensez que, souvent, vous arriverez à beaucoup en faisant le moins. Notre étude doit être un stimulant pour l’imagination constructive. M’avez-vous compris? Je voudrais que vous preniez maintenant les journaux qui vous ont été distribués et que vous en fassiez autre chose que ce qu’il sont. Je voudrais aussi que vous respectiez le matériau, que vous lui donniez une forme judicieuse, et que vous preniez en considération ses propriétés. Si vous pouvez y arriver sans vous servir d’un couteau, de ciseaux ou de colle, alors c’est d’autant mieux. Amusez-vous bien!»
«L’effet esthétique, [dit Albert Flocon], était toujours considéré non comme le but de l’opération, mais comme un effet secondaire qui se produisait quand la mise en œuvre était intelligente et spirituelle. Tous les exercices étaient accompagnés d’explications rationnelles…»
4 février 1928. Gropius démissionne. En 1929, il participe à Francfort aux 2e assises des Congrès internationaux d’architecture moderne. Il y parle «des fondements sociologiques d’un logement minimal pour la population urbaine.» Retour à son activité d’architecte.
Hannes Meyer le remplace. L’enseignement de l’architecture est lié à une pratique de chantier.
Les ateliers, sont regroupés en 4 départements: construction (enseignement, urbanisme, gestion des travaux, bureau d’étude); publicité (typographie, exposition, photographie); équipement (peinture murale, métal, menuiserie); textile.
[Soulignons que la discipline absente est le cinéma qui constitue, comme le cinéma de Murnau ou Lang, en Allemagne, ou Vertov en URSS, un art "industriel" réussi, inspiré directement d'une esthétique photographique constructiviste et/ou relevant de la nouvelle objectivité, de la nouvelle vision, évidente dans Menschen am Sonntag de Robert Siodmak et Edgar G. Ulmer, et enseignée au Bauhaus de Dessau.]
«Marianne Brandt, ancienne élève prend la place de Moholy-Nagy au métal, Joost Schmidt celle de Herbert Bayer à la typographie, Josef Albers puis Alfred Arndt en 1929 celle de Marcel Breuer à la menuiserie.
Réalisation de l’école des syndicats à Bernau, inaugurée le 4 mai 1930. L’aménagement intérieur du bâtiment est assuré par les ateliers de l’école.
août 1930. Hannes Meyer est congédié. Mies van der Rohe le remplace. Il est l’architecte du Pavillon allemand de l’exposition internationale de Barcelone de 1929. Le fonctionnalisme selon lui implique perfection formelle et technique. Auteur du Seagram (1954) à New-York.
22 août 1932. «La fraction nazie du conseil municipal obtient la fermeture du Bauhaus pour le 1er octobre 1932. Ultime déménagement à Berlin dans une ancienne usine de téléphones à Steglitz. «Ce prolongement du Bauhaus n’est possible que grâce au maintien de contrats signés avec des firmes: les papiers peints Rasch, les lampes Körting & Mathiesen, les rideaux Van Delden. Il reste Albers et Kandinsky.»
11 avril 1933. «Prenant prétexte de la présence d’un matériel de propagande communiste qui aurait été caché dans les locaux, les nazis investissent les bâtiments, embarquent trente deux étudiants pour deux ou trois jours, et ferment l’établissement.» «A Dessau, le saccage des bâtiments est organisé [par les nazis].
10 août 1933. La dissolution du Bauhaus est prononcée.
1951. Max Bill, élève du Bauhaus de 1927 à 1929, tente d’en reprendre la direction, à Ulm, abandonne en 1956.
L’héritage culturel du Bauhaus appartient aux USA. Josef Albers et sa femme Anna enseignent au Black Mountain College, en Caroline du nord, de 1933 à 1949. Raushenberg fut leur élève. Gropius est dans la section d’architecture de l’université d’Harvard, Mies van der Rohe à l’Illinois Institute of Technology ainsi que Moholy-Nagy.
Chronologie et citations reprises du livre de Lionel Richard. Encyclopédie du Bauhaus. Somogy. 1985.
Ouvrage qui en est la reprise: Lionel Richard. Comprendre le Bauhaus. In Folio, collection Archigraphy Poche. Paris. 2009.
Notes de bas de page
* Les termes qui entrent dans l’intitulé du blog même, repris d’un titre de livre, peuvent donner lieu à définition précise.
Figure.
«Figure.
du latin figura, apparenté à fingere, ‘former (que ce soit en réalité ou dans l’esprit)’ et effigies, ‘image, portrait’.
Terme polysémique qui, dans le champ des arts visuels, renvoie à une forme soit géométrique, soit phénoménale, et par excellence à la forme humaine.» Dictionnaire d’esthétique et de philosophie de l’art. Jacques Morizot, Roger Pouivet. Armand Colin. Paris. 2007. Lire la suite ci-dessous et la bibliographie attenante.
Quant au terme Paysage, c’est plus simple et suffisamment explicité par de nombreux auteurs (dont Anne Cauquelin). Le paysage se définit par son caractère artificiel, opposé à une nature naturante, et étendu à la ville. On peut lire l’article de Junko Shiraishi «Paysage et identité».
Hunt, John Dixon, The Figure in the Landscape: Poetry, Painting, and Gardening during the Eighteenth Century. Baltimore and London: The Johns Hopkins University Press, 1976.
Nouvelles formes de représentation en Grande-Bretagne au 18ème siècle.
**Le peintre-décorateur. Wittgenstein écrit en 1950 dans Remarques sur les couleurs. 73.«Je ne puis me figurer que les remarques de Goethe sur le caractère des couleurs et les combinaisons de couleurs puissent être utiles au peintre; à peine au décorateur. La couleur d’un œil injecté de sang pourrait faire un effet splendide comme couleur d’une tapisserie. Qui parle du caractère d’une couleur ne pense jamais qu’à une certaine façon de l’employer.»
*** Actualité du Constructivisme Cycle de conférences
http://constructivismes.blogspot.com/
**** Peter Sellars travaille dans cet esprit aujourd’hui. Voyage en compagnie de Peter Sellars. Documentaire de Mark Kidel. 2007.
Addendum (images et textes)
Schéma du cursus d’un étudiant au Bauhaus. 1923
Image révélatrice de la synthèse des arts, au Bauhaus de Dessau. Photographie, design, théâtre, textile…
Erich Consemöller. Untitled (Woman [Lis Beyer or Ise Gropius] in B3 club chair by Marcel Breuer wearing a mask by Oskar Schlemmer and a dress in fabric designed by Beyer). c. 1926
Résurgence de l’union des arts aujourd’hui: Art Architecture, Film, Fashion
Muccia Prada et Rem Koolhas: le projet Transformer.
Situation du design en 2010 selon Enzo Mari.
Le design est un «art pompier» selon Enzo Mari qui a rédigé un manifeste sous le titre «Che fare», août 2009:
«A son origine, le design a été pensé et réalisé par une dizaine d’auteurs (architectes, artistes, industriels) dans les années 1930 en Allemagne, et à peu près autant en Italie dans les années 1950. Tous étaient imprégnés de l’utopie socialiste et de la culture humaniste, tout comme le public qui comprenait et appréciait leurs œuvres. [...] Tous ceux qui aujourd’hui encore sont proches de l’essence du design sont conscients de la dégradation inexorable de ce qui est produit. [...] La cause en est à la fois la prolifération excessive d’un maniérisme radical ou traditionnel, pollué par des prescriptions individuelles inconscientes, ou par le cynisme. On continue à produire des objets et nommer cela « design », quand on devrait parler plutôt d’« art pompier » ou, plus généreusement, d’« art décoratif ». Les objets produits n’ont pas besoin d’être, mais seulement de paraître correspondre à l’infinité des besoins induits, comme l’impose le règne de la marchandise.» Lire la suite sur le
Enzo Mari et Gabriele Pezzini jusqu’au 20 février 2010 à la galerie Alain Gutharc, galerie d’art contemporain qui insère une exposition de design au sein de sa programmation annuelle. A écouter le Rendez-vous de Laurent Goumarre avec Enzo Mari.
En conclusion (l’opinion photographiée © jlggb Berlin février 2010, à propos de notre situation actuelle de figure dans le paysage et que je fais mienne). Cette phrase est de Dieter Rams, designer des produits Braun.
Et en contrechamp, un retour sur l’art cinétique issu du constructivisme et de l’art optique et qui perdure pour notre plaisir visuel participatif.
Carlos Cruz-Diez, participation et perception.
Et aussi notre bâtiment de l’UFR Art, architecte Jacques Moussafir, là où nous faisons cours.
Exposition Constructive Spirit Abstract Art in South and North America
http://www.flickr.com/photos/renespitz/collections/72157623593754554/