Emmanuel Terray. «Sans-papiers (Acte 2)». Libération, 19 octobre 2009.
Le «terrain est partout» dit Marc Augé. Emmanuel Terray a écrit un article «Marc Augé, défenseur de l’anthropologie» dans la revue L’Homme, sous-titré L’anthropologue et le contemporain : autour de Marc Augé, n° 185-186 2008/1-2. BU – Saint-Denis, Salle Rouge M Ethnologie cote 39.1 AUG 8.
«Pour des artistes qui souhaitent insérer leur pratique dans le champ social», dit Virginia Whiles («Art et ethnographie», Marges n°6, pp. 52-54. (traduction Claire Fagnart) [...] «les buts contrastés de l’art et de l’anthropologie sont invariablement présentés dans une perspective moralisante. L’art et l’anthropologie sont tous deux concernés par la rencontre et l’altérité, mais tandis que le travail des anthropologues est pensé comme la contextualisation des relations sociales, celui de l’artiste est plutôt perçu comme une forme de prestidigitation, le jeu d’adresse pouvant signifier « représenter des faits de manière erronée, les réarranger avec habileté ». Il est alors bizarre de mettre en parallèle la pression qui pèse aujourd’hui sur les artistes afin qu’ils réintroduisent de l’éthique dans l’esthétique et la transformation simultanée de l’anthropologie par le biais de la fiction et de l’imagination.»
«L’écrivain Orhan Pamuk a décrit son approche ethnographique rigoureuse d’un des lieux d’un de ses romans. Il lui est arrivé de suivre à la trace son héros, mettant en œuvre cette « recherche de soi en l’autre » (self othering) attitude commune à l’artiste et à l’ethnographe, que condamne Hal Forster. Ce dernier met en garde les « artistes comme ethnographes » contre les risques, liés à cette posture de renforcement de leur autorité. Il y voit une perte romantique de toute distance critique et une forme d’arrogance idéologique: parler pour les autres plutôt que de permettre aux autres de faire entendre leur propre voix.
En réponse, Pamuk défend le roman précisément en tant qu’il peut être « une fiction pouvant dire la vérité, tellement souvent voilée dans la vraie vie », en tant précisément qu’il peut « parler pour ceux qui ne peuvent pas, pour ceux dont la colère n’est pas entendue », et par-dessus tout, parce qu’il permet d’imaginer des conduites de vie alternatives» : de la nécessité donc pour l’anthropologue comme pour l’artiste d’avoir de «l’imagination et du culot». (cf plus haut le texte d’Emmanuel Terray). On s’éloigne des énoncés performatifs de Fluxus et du Situationnisme. Mais on s’approche des percées territoriales d’un artiste conceptuel comme Douglas Huebler.
Lire
Orhan Pamuk, Istanbul…
Marc Augé, Non-Lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité. Paris, Seuil, 1992. «Les non-lieux désignent les systèmes de communication, transports ou communication de messages, réseaux d’images… Et à travers eux ce sont les attitudes relationnelles qui sont en cause. On observe, en effet, qu’à côté de ce qui s’inscrit dans des symboliques sociales, plus ou moins solides, plus ou moins ancrées dans des lieux, il y a dans le monde contemporain quantité d’espaces où la symbolique de la relation peut être mise entre parenthèses, faisant place à des codes de comportement dont certains sigles sont l’expression la plus effective (panneaux indicateurs, écrans, signaux informatiques, [retour à nos médias géolocalisés), ce qui fait que dans un aéroport, sur une route, on peut vivre seul.»