12. 4e journée du livre d’artiste: un état de l’art. 12. 01. 2011
mercredi 12 janvier 2011 de 10h à 17h.
L’École nationale supérieure des Arts Décoratifs invite cinq personnalités, artistes, collectionneurs, qui évoqueront le Livre d’artiste et sa place dans la création contemporaine. Cette journée est organisée par Jean-François Bouillart, Christophe Naux et Françoise Roy, enseignants en Image imprimée.
«Certes il m’arrive encore de croiser ce que l’on appelle si joliment « Le livre d’artiste ». Ce qui me gêne un peu c’est qu’ainsi s’opère une sorte de classification qui n’est pas de mon cru et parmi mes nombreuses publications je ne saurais distinguer celles qui ressortent plus spécialement de mon état d’artiste puisque toutes sont le fait de l’artiste que je suis. Cette belle démonstration terminée, je me contenterais de vous entretenir de mes publications, laissant à quiconque voudra le faire le droit (!) de décider si certaines méritent d’être considérées en tant que livres d’artiste. Quant à moi, je m’en fous éperdument!». Paul Armand Gette, artiste, intervenant de 16h à 17h. (voir plus bas).
Programme:
10h – 11h : Lise Fauchereau, Gestionnaire des collections d’estampes contemporaines, au département des Estampes et de la photographie de la Bibliothèque nationale de France.
Le graphzine est un livre graphique sans texte, réalisé le plus souvent en photocopie, en sérigraphie ou en offset. Il est façonné à la main, en atelier, dans le salon ou sur la table de la cuisine, ce qui explique souvent son faible tirage et son prix peu élevé. L’objet lui-même est atypique, et assez troublant pour un bibliothécaire habitué à traiter des livres d’aspect plus traditionnel. En effet, ce magazine graphique n’est que très rarement paginé et régulièrement dépourvu d’auteur, de mention d’édition, sans parler d’ISBN ou de code à barres ! Après une définition de ce type de livre graphique, nous parcourrons une sélection de créateurs et éditeurs, pour terminer sur le mode de prospection et de valorisation. La Bibliothèque nationale de France conserve un ensemble de six cent graphzines.
Article de Cindy à propos de l’intervention: http://www.arpla.fr/canal2/figureblog/?p=9280
11h – 12h : Tarek Issaoui, collectionneur, fait un état de l’art.
Les années 2000 ont vu la (ré)émergence de deux modèles bien distincts d’édition de livres d’artiste: plusieurs éditeurs ont développé une approche légère, avec un recours fréquent à la photocopie ou l’offset, et une distribution directe via Internet ; tandis que se développait une pratique de production d’ouvrages plus sophistiqués, adressés à un public de collectionneurs d’art. Un tour d’horizon de différentes maisons représentatives de ces tendances fournira l’occasion de s’interroger sur le lien entre contenu et économie du livre d’artiste.
Une très utile et pragmatique intervention faisant ce qu’on appelle un état de l’art du livre d’artiste. Deux balises sont posées, à travers deux exemples emblématiques qui semblaient définir deux pôles d’approche du livre d’artiste, celui de la bibliophilie luxueuse incluant le livre-objet (quasi-sculpture) et celui des petits éditeurs ou du DIY, le livre d’artiste dit Light (du nom du salon actuel) délibérément peu cher, pour tous. Internet en semble le relais naturel. Mais cette différenciation est minée dès 1947, du moins en France, côté bibliophilie, avec le Jazz de Matisse, par le fait que l’artiste est maître de bout en bout de sa réalisation, passe de la peinture à la page*. Différenciation minée rétrospectivement aussi, si l’on considère que l’avènement du Light** est inscrite dans les publications offset de Rusha calquées sur l’esthétique des fascicules modes d’emploi d’appareils photo ou ménagers, et qui sont devenues collector, car plus une publication est éditée en grand nombre, plus les exemplaires disparaissent rapidement. Autres artistes et institutions du Light cités par Tarek Issaoui : Dieter Roth, Hans-Peter Feldmann, Printed Matter, Wittenborn & Co, Other books and so, librairie ouverte à Amsterdam en 1975 par Ulises Carrión qui rédige ce texte
«The new art of making books»
*«Durant les années 40, la cécité croissante de Matisse le conduit à user de la technique du papier découpé, qui favorise son ambition de toujours dans la synthèse de la couleur et de la ligne. Matisse comble les potentialités qu’il voit dans la technique de découpage en préparant des dessins pour des reproductions au pochoir de son livre autobiographique, Jazz, 1947. Plutôt que de transposer des images de la toile sur la page imprimée, Matisse aborde la conception de la page comme une forme artistique en soi, inversant le point de vue habituel des artistes sur la relation entre peinture et illustration.»
** On pourrait rattacher au courant Light, Le Coup de dés de Mallarmé (1914) aussi «fort» que le ready-made de Duchamp, voire au 18e siècle les livres de William Blake.
Preuves à l’appui de la démonstration de cette dilution de la frontière entre livres chers et livres peu ou moins chers: les artistes sollicités par les maisons d’édition d’ouvrages luxueux destinés à un public de collectionneurs d’art contemporain peuvent être ceux-là même qui ont pratiqué le DIY des années soixante, devenus des artistes côtés du marché de l’art, ou leurs équivalents. La nouveauté est aussi d’associer pour l’édition d’un livre, —comme un signe de retour à la bibliophilie ou au livre-sculpture, mais totalement contemporanéisé—, un artiste, un designer, un écrivain et un graphiste les plus en vue sur le plan international.
Sites des éditeurs de livres d’artistes (choix de Tarek Issaoui)
1.
La démarche «Light»
Nieves Books http://www.nieves.ch. Créé en 2001, spécialisé dans les zines. Diffusé à Paris, chez Colette et Yvon Lambert. Artistes : David Shrigley, Olaf Nicolai … Les artiste sont ‘bons’, ce qui les unifie, c’est le Light.
Rollo Press http://www.rollo-press.com, Hollande. Les livres sont imprimés sur une Risograph GR 3770
38th Street Publishers https://www.38street.com/b. Des beaux livres à des prix abordables. Des artistes majeurs. Les lecteurs sont trouvés par internet. Exemple: reprise de catalogue d’exposition des artistes Guyton Price Smith Walker,Wade Guyton, Seth Price, Josh Smith, Kelley Walker, en noir et blanc, à moindre coût.
Joachim Schmid http://schmid.wordpress.com. Il distribue ses propres livres utilisant un système d’impression on demand. Les livres de photos titrés Other people’s photographs, sont constitués sur les sites de partage Flicker http://www.flickr.com/photos/joachimschmid/4882505714/in/photostream. La démarche s’apparente à celle d’un Hans Peter Feldmann. Les livres sont numérotés au fur et à mesure de la demande. Les livres sont imprimés via le site Blurb http://fr.blurb.com/
Armin Linke http://www.arminlinke.com. En 2005, toutes ses photos sont mises en ligne. Chaque personne peut faire son choix et l’imprimer. Chaque livre est unique. Le collectionneur est co-auteur. La qualité est faible. L’expérience a été arrêtée.
2.
Le passage vers une démarche bibliophile «digérée»
Une pratique de production d’ouvrages plus sophistiqués, adressés à un public de collectionneurs d’art. «Avec l’intervention du design, une étape supplémentaire est franchie dans l’histoire de la bibliophilie. Au livre d’artiste tel qu’on le connaît depuis le début du 20e siècle succède un objet d’art hybride.»(Texte sur le site de Toluca)
Böhm Kotayashi, Publishing Project http://www.boehmkobayashi.de
Borokov and the Sochi Project http://www.thesochiproject.org/home/?en. Documentaires photographiques de plusieurs années. L’édition prend la forme d’un projet soutenu par des donateurs.
Toluca Editions http://tolucaeditions.com/home_en.html. Les livres incluent des tirages originaux des photos accompagnés d’un texte d’auteur et contenus dans une boîte spécialement conçue pour l’ouvrage. Les grands designers: Jasper Morrison, Konstantin Grcic, Andrea Branzi collaborent avec les artistes contemorains Thomas Ruff, Canndida Höfer, Daido Moriyama…
Three Star Books, http://www.threestarbooks.com publient les artistes Matt Mullican, Jonathan Monk; Maurizo Cattelan, Liam Gillick et M/M, Olivier Mosset, Heimo Zobernig associés à des écrivains et critiques et représentent les éditions de luxe de One Star Books http://www.onestarpress.com.
MFC Didier, http://www.micheledidier.com, éditeur des artistes conceptuels: Carl Andre, Rupperberg, Stanley Brouwn.
3.
L’alternative à laquelle s’intéresse Tarek Issaoui: les livres autoproduits par l’artiste, qui les présente comme des travaux préparatoires à ses peintures abstraites et faisant l’objet d’exposition. Ce sont des esquisses mais qui fonctionnent toutes seules. Une espèce de retournement de l’expérience Jazz de Matisse. Il cite Dan Walsh.
14h – 15h : Jean-Pascal Flavien, Artiste
Le travail artistique de Jean-Pascal Flavien implique avec l’édition, la construction de maisons : Viewer (Rio de Janeiro 2007), No Drama House (Berlin 2009), Two Persons House (Sao Paulo 2010). Devonian Press est une maison d’édition créée par Jean-Pascal Flavien et Julien Bismuth à Rio de Janeiro en 2005. Flavien et Bismuth avaient déjà travaillé ensemble par le passé sur plusieurs performances à Los Angeles, ils publient trois premier titres: Life Before The world, The World Before Time, et A Hold! En septembre de cette première année, ils collaborent avec le musicien Giancarlo Vulcano à une performance intitulée Announcement dans les rues de New York, une sorte de déclaration publique annonçant la maison d’édition. Ils publient par la suite un ensemble de posters/textes, ainsi que trois nouveaux livres, notamment un livre reprenant les textes ainsi que les partitions de la performance. No Drama House, un livre de Flavien (avec deux scénarios de Bismuth) introduit la situation d’une maison construite à Berlin dans le Jardin de la galerie Giti Nourbakhsch en 2009. Dans Viewer figure un bâtiment dessiné dans des paysages préhistoriques construit à Rio de Janeiro en 2007, qui deviendra pour un temps le bureau de Devonian Press. Les livres et posters de Devonian Press sont liés aux autres travaux des deux artistes, performances, maisons, dessins, expositions… à ce jour quatorze titres ont déjà été publiés.
15h – 16h : Claire Morel, Artiste
Son territoire artistique se déploie autour de l’écrit comme image, du livre comme objet : de l’écrit comme champ d’expérimentation. Elle conçoit le livre, non comme le produit d’une technologie – celle de l’imprimé -, mais comme un espace : une architecture, un paysage, une chambre d’écho qui ouvrirait une dimension interstitielle. Sa démarche est donc plus celle d’une lectrice que d’une auteure. Et lorsqu’elle s’approprie un livre, c’est par l’effacement, le recouvrement ou la réécriture.
16h – 17h : Paul Armand Gette, Artiste
«Certes il m’arrive encore de croiser ce que l’on appelle si joliment «Le livre d’artiste». Ce qui me gêne un peu c’est qu’ainsi s’opère une sorte de classification qui n’est pas de mon cru et parmi mes nombreuses publications je ne saurais distinguer celles qui ressortent plus spécialement de mon état d’artiste puisque toutes sont le fait de l’artiste que je suis. Cette belle démonstration terminée, je me contenterais de vous entretenir de mes publications, laissant à quiconque voudra le faire le droit (!) de décider si certaines méritent d’être considérées en tant que livres d’artiste. Quant à moi, je m’en fous éperdument!». Paul Armand Gette