Max Bill versus Guy Debord et Asger Jorn
Max Bill, Pavillon suisse dans les Giardini, Venise;
Exposition Yves Netzhammer
«Max Bill connaissait les situationnistes. Asger Jorn, cofondateur de l’I.S. avec Debord, l’avait contacté en 1953, dans l’objectif d’une éventuelle collaboration justement sur l’idée du nouveau Bauhaus d’Ulm, mais ils se sont plutôt mal entendus… il existe une série de textes très intéressants sur ce débat de l’époque, développé notamment lors de la Triennale de Milan. Résultat, Jorn et ses amis, ont fondé le Mouvement International pour un Bauhaus Imaginiste, contre le bauhaus de Bill…» nous a dit Vanessa Theodoropoulou.
Mirella Bandini, dans son article «L’architecture contemporaine et la configuration urbaine situationniste de Debord, Constant et Jorn. Les prémices utopiques de Breton et Isou» in Le Mythe de la ville situationniste, edizioni Peccolo Livorno, 2008, focalise justement sur l’architecture et fait une rapide généalogie du situationnisme dans cette optique, pour conclure sur des propositions architecturales actuelles qui relèveraient des idées du situationnisme, «Rem Koolhas, Frank Gehry, Jean Nouvel, Zaha Hadid, Massimiliano Fuksas, Shigeru Ban et Toyo Ito» : «Désormais, [dit-elle], des bâtiments aux formes résolument libres circulent dans l’espace et se métamorphosent au gré de la lumière grâce à l’utilisation de nouveaux matériaux, offrant ainsi des possibilités intrinsèques de variabilité et de transformation de l’habitat. L’importance de ces résolutions ont lentement mûri à partir des années cinquante, période durant laquelle elles ont été élaborées et propagées théoriquement par l’Internationale situationniste (1957-1962) à travers les thèses de l’Urbanisme Unitaire, conjointement débattues par Guy Debord, Constant et Asger Jorn, ainsi que par le mouvement lettriste d’Isidore Isou. Pendant cette phase, le phénomène urbain fut envisagé de manière polémique, notamment en réaction contre les thèses de l’architecture fonctionnaliste et de l’Industrial Design défendues à Ulm par Max Bill.»
«Pour les Lettristes comme pour les Situationnistes, la nouvelle structure urbaine implique l’artiste qui deviendra bâtisseur d’une «nouvelles architecture pour la vie» et où «la libération d’un instinct de construction actuellement refoulé chez tous ne peut aller sans les autres aspects de la conquête d’une vie authentique.» Le slogan situationniste ainsi que lettriste: « habiter, c’est être partout chez soi » a été repris [...] par le nomadisme hippy [...]. Dans le Rapport de 1957, qui précède la fondation de l’I.S., Debord affirme que « notre idée centrale est celle de la construction de situations », c’est-à-dire d’ambiances collectives momentanées de la vie où l’architecture prendra comme matière des situations émouvantes, plus que des formes émouvantes. [...] En 1965, déjà, dans le cadre du Laboratoire Expérimental d’Alba, Constant avait conçu un Campement pour les Gitans prévoyant des séparations mobiles réunies sous une une unique couverture et adaptables aux variations du nombre d’individus abrités. [...] Shigeru Ban [...] conçoit des édifices constitués de gigantesques tuyaux de carton, qui tels des bambous, se transforment en façades, en toitures, puis en maisons, en églises. Entièrement fabriquées en papier recyclé, ces bâtiments sont rendus imperméables par des vernis et des colles de la dernière génération.» [On est dans le contexte actuel des camps de réfugiés mondialisés fuyant les désastres climatiques et les guerres où l'extrême simplicité d'architecture minimale recourt à la plus haute technologie, une forme de fonctionnalisme décriée par les Situationnistes [...]
«Pour [Alain de Botton, auteur suisse du livre Architecture et Bonheur, 2006, évoquant les citées de banlieue déprimantes], exercer la profession d’architecte ressemble à celle du médecin ou du pilote d’avion, leur impact est absolument décisif sur la vie d’autrui.»
Curieusement, les idées de Max Bill, suisse aussi, telles qu’on les retrouve exposées dans le DVD Max Bill, un regard absolu, un film de Erich Schmid, ressortissent de cette attitude empathique à l’égard ds personnes ordinaires vivant en ville et dans ses bâtiments collectifs, le pavillon suisse des Giardini à Venise, le théâtre de Vidy à Lausanne, l’antilabyrinthe dans une rue de Zurich. C’est aussi une figure de l’artiste politique assez exemplaire. Max Bill est aussi une référence avec Lohse, pour la scène contemporaine artistique romande et au-delà d’Armleder, des peintres abstraits néo-géo actuels.
http://www.maxbillfilm.ch/dsp.php?fr,3,1,1
http://www.maxbillfilm.ch/filme/001/txt_02_fr.php
http://www.lohse.ch/