Paysage et Identité
D’après une conférence portant sur le thème «Paysage et Identité» présentée par Shiina Ryosukè à Rueil-Malmaison.
C’était pendant la grève de la ligne du RER A et Paris semblait paralysée. Je tenais absolument à me rendre à cette conférence et comme tout les jours de grève la vie devient un véritable parcours du combattant. Je n’étais jamais allée à Reuil-Malmaison, et c’est dans la cohue d’un bus bondé que je pus apercevoir la ville à travers la vitre embuée de chaleur humaine et de tension mal contenue. Malgré tout, cette expédition entreprise depuis la gare routière des sous-sols de la Défense, m’offrit le spectacle d’un paysage urbain en métamorphosant lentement ponctué par de nombreux arrêt où se pressaient et s’agitaient des voyageurs essoufflés et irrémédiablement en retard. La nouveauté de ce paysage urbain exacerba en moi le sentiments de particularité quant à l’architecture et l’ambiance générale de la ville par rapport à Paris. J’étais alors dans de bonne disposition pour assister à cette conférence. Le séminaire «Paysage et Identit » avait lieu le mercredi 16 décembre 2009 à École supérieure d’art à Rueil-Malmaison et M. Ryosuke Shiina, qui est le professeur à l’université du Japon, a y été invité.
Il s’agit de «Paysage découvert». En effet, le paysage n’est pas comme une statue dans la nature. C’est-à-dire, il n’a pas de forme propre, ni ne fonctionne comme un symbole de la Nature. Le paysage, qui est quelque chose qui doit être découvert en tant qu’une nouvelle reconnaissance. Découvrir le paysage signifie découvrir un nouveau langage, produire des néologismes, ou bien avoir la nouvelle reconnaissance dans la figure du paysage, ou bien peut être découper l’image encadrée comme une photographie. C’est-à-dire, le paysage est anonyme, mais en découpant ou bien en encadrant les paysages, on leur donne une nouvelle reconnaissance, c’est-à-dire, on les nomme. Le paysage nommé, c’est-à-dire, le paysage néologique qui est le langage représenté le paysage. C’est vraiment comme prendre les photos, en prenant les photos, on découpe le paysage, ça aussi comme une sorte de nomination. C’est-à-dire, avoir la reconnaissance. Kunio Yanagida a dit que «le paysage est une représentation visuelle de langage.» Dans ce sens-là, cette idée de «Paysage découvert = découverte de langage» est compréhensible. Mais il ne s’agit pas de la forme, c’est la figure, puisque Shiina a insisté sur le fait que l’on considère le paysage comme «espace quantitatif» dans le sens de la construction épistémologique. Puisqu’on le découvre avec notre propre perception qui correspond à la mémoire, à la sensibilité, à l’ensemble des représentations sensibles et des concepts s’y rapportant. Par exemple, lorsque le paysage correspond à notre identité, il ne s’agit pas d’avoir l’expérience du paysage objectivement. Comme l’alpiniste découvrant le paysage avec son corps et éprouvant physiquement son idée de la nature. Il s’agit d’interaction entre un être humain et l’espace qui l’entoure et qu’il appelle nature. Cette accumulation de sensations, de perceptions, fruit du lien sensible avec le monde extérieur, c’est aussi ça le paysage.
Des paysages japonais (Nihon fûkei-ron, 1894) Shigetaka Shiga
Comme une définition de paysage et synonyme de paysage japonais
En effet, il n’y a d’identité entre le paysage et la nature que par un acte de l’esprit rapportant au concept de nature une certaine perception visuelle de ce qui nous est présenté sous les yeux. Surtout, si une intention est à l’origine de cette perception visuelle. Dans ce cas, il y a une circularité entre perception et le jugement lié à cette perception. Plus simplement, je ne vois que ce que j’ai envie de voir tout en étant convaincue que mon jugement ne dépend pas de moi, ce qui lui donne un caractère objectif et à ce titre possédant le plus haut degré de vérité.
Ce qui nous amène à penser que le paysage ne se rapporte pas directement à la nature, seulement par la médiation du concept (ce que nous appellerons le schématisme). Il fonctionne alors seulement comme une sorte de symbole de la nature (nature en tant que concept ou ensemble des discours ayant pour objet le monde des phénomènes extérieurs indépendantsde notre volonté). Ce qui nous amène à penser que la question du paysage est essentiellement une question de langage et d’intention. Découvrir un nouveau paysage, c’est découvrir un nouveau logos, produire des néologismes de nouveaux discours, et donc un nouvel objet de pensée. Lorsque nous promenons notre regard sur une étendue ou un espace qui s’offre à nous, nous regardons les choses d’une certaine manière. Nous scrutons, inspectons, arpentons de l’œil cette étendue par le mouvement de nos yeux. C’est par ce mouvement que nous nous laissons par abus de langage qu’il y a un ordre extérieur que l’œil de chair nous rapporte et que l’œil de l’esprit perçoit. Nous procédons à un découpage de l’image que nous envoie cette étendue. Et le cadrage constitue un avatar de cette façon que nous avons de regarder, de percevoir et d’interpréter une donnée de sens. La peinture présente ce caractère mais bien plus la photographie qui dans l’instant capte la façon dont nous voulons percevoir le monde environnant. Cadrer, capter sous des conditions déterminées le monde environnant (tel que le permet la photographie) c’est produire un jugement, c’est raisonner et inscrire le paysage dans le langage. Kunio Yanagida a dit que «Le paysage est une représentation visuelle du langage».
Junko Shiraishi