Ouverture artistique du GPS: références historiques et esthétiques (31>42)
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Littérature du 20e siècle — L’art de s’égarer dans la ville
«Ne pas trouver son chemin dans une ville, cela ne signifie pas grand chose. Mais s’égarer dans une ville comme on s’égare dans une forêt demande toute une éducation. Il faut alors que les noms des rues parlent à celui qui s’égare le langage des rameaux secs qui craquent, et des petites rues au cœur de la ville doivent refléter les heures du jour aussi nettement qu’un vallon de montagne. Cet art, je l’ai tardivement appris; il a exaucé le rêve dont les premières traces furent les labyrinthes sur les buvards de mes cahiers.» Walter Benjamin, Tiergarten/Enfance berlinoise
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Stalker: «Nous avons choisi le parcours comme la forme d’art qui permet de souligner un lieu en traçant physiquement une ligne, comme une pré-architecture qui s’insinue dans une nouvelle nature. Le fait de traverser, en tant qu’instrument de connaissance phénoménologique et d’interprétation symbolique du territoire, est une forme opérante de lecture et donc de transformation d’un territoire, un projet.» Laboratoire Stalker.
«Stalker fait émerger une topographie: au dessin d’une carte et à la codification d’éléments graphiques viennent s’ajouter des photographies montrant des situations survenues durant les déambulations: microséquences de type chronophotographique mettant en valeur l’acte du déplacement et la dynamique du corps en mouvement, à la manière des artistes conceptuels ou d’Étienne-Jules Marey. En associant dans le rendu de leurs cartographies des indices de la performance physique, ils font du corps un matériau de l’œuvre. La carte statique iconique, s’enrichit d’images, de micro-récits, où le mouvement et le temps font de furtives apparitions.»
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Stalker, Franchissements, Planisfero Roma
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Le projets GPS Movies 1 à Saint-Denis 2004, Paris 8
et Ensad, Daniel Sciboz (HEAA) avec Liliane Terrier (Paris8) et les étudiants des deux écoles.
«Le projet est articulé autour de deux objectifs: tester, dans le contexte artistique, les usages du GPS, et réaliser une investigation d’un espace urbain particulier. Le choix des parcours est laissé au libre choix des participants et les premiers échanges sont consacrés à une prise en main de la technologie réunissant dans un dispositif portatif le récepteur GPS, une caméra miniature et un ordinateur portable. À la manière du land-art qui s’inscrit au plus loin de l’atelier, les usages artistiques du GPS conduisent hors du laboratoire, affirment des attaches territoriales et sociales et mettent en perspective la déterritorialisation attribuée aux réseaux numériques. L’usage premier du récepteur GPS (la localisation) est ici détourné par l’utilisation d’une fonction d’enregistrement à intervalles réguliers de références spatio-temporelles. Cette succession de coordonnées permet la reconstruction d’une trajectoire dans l’espace virtuel et la visualisation en 3D de ses propriétés formelles et temporelles. Simultanément un enregistrement vidéo est fait, du même lieu traversé au même moment. Le dispositif enregistreur portatif est un porte-bébé bricolé. Équipés de celui-ci, les étudiants arpentent, dans une série de 12 marches, l’espace de la Plaine Saint-Denis, dont la toponymie évoque la mémoire d’anciennes processions religieuses et de fêtes laïques.» Daniel Sciboz
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Le médium de l’expérience, c’est Le Porte-bébé bricolé de Daniel: ordinateur portable Macintosh G4, récepteur GPS Garmin Geko 201, webcam Apple iSight, logiciels Director (langage Lingo), TrackThemColors et DirectCommunication (Xtras). Les données GPS et vidéo sont enregistrées en simultané sur disque dur (programmation Lingo). © Daniel Sciboz. En vignette: Jean, Marie, Léa et Julie.
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Le territoire traversé et les lieux des promenades de GPS Movies 1
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Diptyques GPS Movies 1
Performance Fluxus avec Ben Patterson, dans les couloirs sordides de Paris 8, enfin intéressants!
Marché de Saint-Denis, banalité “à pleurer” des étals et interface du DVD.
Le paysage arpenté sera donné à voir en 12 séquences-promenades, sous la forme d’une carte hybride — image du déplacement physique et indices du lieu traversé par données gps traduites en 3D— associée aux séquences vidéo. Le DVD-Rom répertorie ces 12 traversées du paysage en autant de diptyques dynamiques associant la carte globale mouvante en images de synthèse animées construites à partir des points GPS, à gauche, synchronisée aux séquences vidéo esclaves correspondantes, à droite. Une convention particulière de la représentation de l’espace à gauche dans le diptyque, c’est d’avoir des rectangles, segments d’un déplacement réel déterminé par le temps, toutes les dix secondes, intervalles réguliers d’enregistrement de références spatio-temporelles par le GPS. Un rectangle = 10 secondes. Le tracé GPS est concrétisé par ces rectangles enchaînés : un paysage qui est une carte que l’on trace en se déplaçant. Un sol et un plafond lui donnent la forme d’un tunnel dynamique, trace de la figure du corps du marcheur.
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Diptyques GPS Movies 1: «L’image vidéo et la carte tridimensionnelle coexistent. Leur point commun est leur identité absolue originelle commune, la présence sur le terrain. Elles sont l’enregistrement de la même chose, du même mouvement, du même corps, du même espace. Par moments, ce lien est impossible à admettre. La révélation, c’est le sentiment d’opacité extérieure de la vidéo par comparaison avec la carte. À gauche, l’image contient le futur, la perspective. À droite, nous ignorons vers quoi on peut aller. La vidéo, la photo sont condamnées à cette temporalité de l’instant et ne donnent rien à voir du futur. Le prix à payer pour voir le futur, c’est de perdre une dimension, celle que nous donne la vidéo : l’instant. Les images en diptyque de GPS Movies 1 se complètent, mais on retient surtout l’effet de feed-back de l’image 3D sur l’image-vidéo correspondante. Le GPS modifie au sens fort le paysage qui s’est construit pendant des siècles sur la vision. Avec l’image 3D du paysage traversé, on n’est plus dans la vision. L’espace contemporain se construit sur d’autres règles qui ne sont plus dans le registre de la vision, mais dans celui de la relation.» (Jean-Louis Boissier)
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Le projet GPS Movies 2 à Saint-Denis 2005
Daniel Sciboz avec Liliane Terrier, Hajime Takeuchi (Doshisha, Kyoto) et Jean-Louis Boissier (Paris8) et les étudiants des deux écoles.
Le terrain d’investigation de ce projet de trajet vidéo avec GPS est une zone transversale au nord de Paris, en Seine-Saint-Denis, axée sur la rue du Landy, définie sur la carte. On observe que ce trajet peut notamment relier d’est en ouest les centres d’art Main d’œuvres à Saint-Ouen, l’Académie Fratellini, Les Laboratoires d’Aubervilliers. Deux équipes sont constituées, équipées du même dispositif GPS/ordinateur portable/caméra et toujours notre Porte-bébé bricolé, en deux exemplaires.
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Premier tracé, sur le plan de la banlieue nord de Paris, du trajet GPS Movies 2. Il suit le réseau de rues et ruelles le plus simple entre Saint-Ouen à Aubervilliers, empruntant l’axe principal de la rue du Landy et pointe les lieux culturels qui jalonnent l’itinéraire.
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Performance: samedi 25 juin 2005. 11 heures. Point de Départ: Main d’œuvres à Saint-Ouen, à l’extrémité ouest du trajet fixé, de l’équipe 1 (Loïc et Yi Hua). Loïc lance par téléphone avec Daniel le top de départ simultané avec l’équipe 2 (Daniel et Chiwook) qui est postée aux Laboratoires d’Aubervilliers, à l’autre extrémité du trajet, à l’est. Chaque équipe a un guide avec la même carte du même trajet à suivre mais en sens inverse, et une équipe de making of: Making of A d’Hajime Takeuchi pour l’équipe Daniel-Chiwook, Making of B de Raphaël Isdan pour l’équipe Loïc-Yi Hua. Les deux équipes se croiseront à mi-parcours. Loïc et Yi Hua marchent sur le trottoir côté sud selon la rue du Landy orientée est-ouest et se maintiendront sur ce trottoir tout au long du trajet de Saint-Ouen à Aubervilliers. Daniel et Chiwook marchent sur le trottoir côté nord en face. Yi Hua et Chiwook tiendront tout au long du trajet la caméra, à hauteur de la taille, en position de filmage en travelling latéral, au bord du trottoir, en direction de l’autre côté de la rue. Daniel et Loïc lancent et contrôlent le passage des coordonnées GPS sur l’écran d’ordinateur: Le tournage vidéo est synchronisé par GPS. La caméra est successivement déclenchée automatiquement ou éteinte à l’entrée dans les ‘fuseaux’ de longitude, découpant en portions égales le terrain parcouru. Le filmage double est conçu sur le mode d’un tressage: si la caméra portée par l’une des équipes allant dans un sens filme une portion de territoire correspondant à un fuseau de longitude, elle s’éteindra en entrant dans le fuseau qui le jouxte et ne reprendra son activité de filmage qu’au fuseau suivant.
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Arrivée aux Laboratoires d’Aubervilliers de Loïc et Yi Hua, épuisés par la marche forcée imposée par le travelling continu et la faible durée des batteries. voir sur http://www.ciren.org/ciren/laboratoires/gps_movies/index2.html