Les nouvelles dimensions de l’expérimentation (image, note, mouvement)
La plupart des artistes contemporains ont une réflexion technique et théorique différentes sur le temps et le corps de l’image depuis l’expansion de l’internet et de l’intégration de l’ordinateur dans le champs de l’art. Jacques Perconte pratique la vidéo, la photographie, la musique et la peinture; pour moi, c’est un artiste numérique qui utilise les pixels comme des touches du pinceau. Il rentre dans l’image pour toucher la matière comme un corps physique. Perconte est un de ces artistes qui s’est développé en parallèle avec l’explosion du système numérique. Son travail traverse des processus différents, à partir de 1995 jusqu’à maintenant. Sa démarche est devenue peu à peu organique à la machine qui fait la fluidité entre les éléments. Le dispositif de son travail s’intègre en lui-même jusqu’à ce qu’il disparaisse.
Dans chaque travail qu’il nous montre (qu’on peut aussi voir sur son site : Blog technart.fr), on voit comment la sensibilité intervient dans le numérique. Il nous invite à découvrir la chair des images numérique sous le charme des pixels. Ainsi, il nous explique, «depuis plus de dix ans je me demande ce qu’il faut écrire avec ces machines à produire des images hybrides. Je cherche à partager, à donner. Pour cela j’expose mes interprétations de la nature, de ce monde, de l’art, de la lumière, du son. Je donne aux images les vibrations que j’estime légitimes. Des dimensions où elles ne mentent pas, où elles ne dictent pas, où elles mettent en garde contre leur propres pièges. Je joue avec et contre la technologie. Je voudrais rendre à mes outils une place conviviale. Une place où ils disparaîtraient pour soutenir mes gestes.»
En 2003 commence avec un nouvel projet, 38° qui a été inspiré d’une rencontre entre l’artiste et Isabelle, et mis en œuvre par des photographies numériques. Il s’agit d’«un équilibre entre l’image et son support, entre le désir que m’inspire le sujet, l’image du corps et ce support qui lui donne un temps et une texture.» Ce travail pose de nombreuses questions : comment est-il possible créer l’amour dans une contexte numérique, ou bien de le rendre visible? Comment peut-on ressentir la matière et rentrer dans la texture? La création est-elle autonome?
Il intègre les images de 38° dans l’œuvre I love you, qui se trouve sur une site internet. Le programme (love writing program) altère son code source en remplaçant une variable par l’encodage du texte I love you. Il fonctionne comme un virus de logiciel, mais aussi une machine à création: chaque fois que l’on consulte les images, elle les modifie voire même jusqu’à la disparition. On n’a qu’une seule limite pour la production des images: la quantité d’informations dans le fichier de l’image.
Il s’inspire de la nouvelle abstraction américain (ex: Barnett Newman) qu’on revoit dans l’esthétique de ses images. Mais il s’agit aussi d’une abstraction dans l’approche thématique, que l’on voit apparaître dans la matière et le corps des images. Son travail m’inspire beaucoup: il va au fond de la question de l’énigme image-corps et image-temps dans la nouvelle technologie. Je vois une ouverture dans ses création vers une nouvelle esthétique sensible qui est possible uniquement dans une logique «numériquable». Il explore tous les outils de la technologie de numérique, en allant toujours de plus en plus loin dans la matière.
Dans l’œuvre uishet (2005-2007), il s’agit de la compression intégrale des images filmées. On voit apparaître la transformation de paysage par le bricolage des compression et des superpositions de l’image et du temps. Le travail s’appuie sur le rapport qui est entre l’image et le support et il fait vivre le sujet par le support.
Je trouve qu’il y a une approche dans la matière qui ressemble d’une part au mouvement Support/Surface au début de années 70, qui déclarait en 1969 «Il ne s’agit ni d’un retour aux sources, ni de la recherche d’une pureté originelle, mais de la simple mise à nu des éléments picturaux qui constituent le fait pictural.»
Perconte travaille comme un peintre métaphoriquement parlant. Dans la création il laisse intervenir la matière et le temps qui engendrent la magie et la poésie dans les œuvres. Il cherche à apprendre, à comprendre, à vivre la matière qu’il travaille et la pousser jusqu’à ses limites. Je trouve qu’il ouvre une nouvelle dimension symbolique dans le paysage avec sa compression des images.