33. Alain Declercq. Embedded VS Wildcat.

33. Alain Declercq. Embedded VS Wildcat.
(présentation par Anne Zeitz)
Observatoire des nouveaux médias
Ensad 31 rue d’Ulm 75005 Paris

Mercredi 12 mai 2010, 18h 30, Amphi Rodin

En 2001, pour la réalisation de la série photographique Welcome Home, Boss, Alain Declercq circule dans les quartiers aisés de Montréal équipé d’un puissant projecteur installé sur la remorque d’un pick-up. La nuit tombée, ayant repéré les habitations de l’élite gouvernante montréalaise, ces villas sont éclairées de plein feu, puis photographiées. L’opération est effectuée le plus rapidement possible car ces intrusions déclenchent les réactions des habitants ainsi que des forces de l’ordre.
Une nouvelle «stratégie» est mise en œuvre par l’artiste en 2006, lors des manifestations étudiantes qui se déroulèrent Place d’Italie à Paris et qui donnera lieu à la vidéo Embedded (2009). Pour voir sans être vu, Declercq s’intègre au groupe des forces de l’ordre muni d’une micro-caméra cachée dans la manche de sa veste. Cette contre-surveillance détourne l’imagerie officielle d’un tel événement en décryptant et dévoilant les mouvements des policiers et des CRS.
À New York, en 2008, l’artiste confronte les interdictions sécuritaires en posant une caméra obscura fabriquée par lui devant des constructions et des bâtiments protégés par les lois de la ville post Ground Zero. La série de 20 photographies, Hidden (Camera Obscura), résulte de cet acte de désobéissance.L’appareil photographique et la caméra vidéo modifiés et adaptés aux différentes démarches deviennent, dans ces projets, des outils utilisés dans le but d’affronter des instances de domination. Par et pour ses réalisations, Alain Declercq s’engage avec les objets de son observation, s’infiltre dans les structures visées et répond avec ironie à la culture de la sécurité, de la suspicion et de la paranoïa.

Liens : Nicole Brenez,  Alain Declercq, la revanche du monde.
Alain Declercq est représenté par la Galerie Loevenbruck.
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1. Alain Declercq. Embedded VS. Wildcat, 2006. Fresque. ___
2.
Alain Declercq. Hidden Camera Obscura – Midtown North Precinct / Manhattan 54Th Street, 2008
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Enregistrement vidéo de la conférence d’Alain Declercq


1.
Présentation par Anne Zeitz: précisions sur le terme Embedded qualifiant les journalistes dépendant des troupes américaines dès la guerre des Malouines puis d’Irak; citations de Serge Daney et d’Harun Farocki. Alain Declercq va nous donner un déroulé quasi chronologique d’un itinéraire de travail. Il se situe très vite dans une lignée d’artistes politiques mais en retrait de l’attitude de son  artiste héroïque de référence, Chris Burden. Première résidence d’artiste à Valence, (Tourbillon, 1999),  puis tentative courte de travaux multimédia d’inserts vidéo —écrans d’attente sur ordinateur– entre des travaux d’artistes, à la mi-temps des années 90 à la biennale Artifices de Saint-Denis, — il travaille alors au sein du collectif d’artistes du site Icono.org—, et sur écran géant pour le mondial de foot en 98 avec la Zoo Galerie de Nantes. Transition vers des performances conversationnelles avec des artistes confirmés invités au sein de son école d’arts. Premiers films réalisés sur le mode de la caméra cachée pour le web (Icono.org) en 2001, qui font basculer dans la fiction les banals défilés du 14 juillet à Paris. Pour l’ouverture du Palais de Tokyo en 2002, il crée sur place Instinct de mort, une pièce à la mémoire de la figure du gangster à la française Mesrine. Poursuit un hommage paradoxal à la police avec Make Up – série Security, 2002, le remake du modèle de voiture Police Evasion au centre d’art de Brétigny puis à Brest imagine un poster montrant l’utopie réalisée par un simple procédé de collage photoshop de transformation de l’Arsenal en port de plaisance.••

 


2.
La pièce B 52, 2003. Le film Mike, 2006. Alain Declercq fait l’expérience d’une perquisition par la brigade anti-terroriste venue l’interroger sur qui était ce Mike: «La fiction se nourrit de la réalité dans les séries policières françaises. L’inverse est vrai. Le scénario imaginé par la police me plaçait comme maillon entre Al-Qaeda et l’ETA.» La fabrique de fausses preuves: Evidence Pentagone City, polaroïd, 2005. [Les deux pièces sont dans l’exposition collective, La Théorie du complot, 2008.] La lettre de Saddam Hussein.

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3.
Embedded, vidéo, 2006. Hidden Camera Obscura, série de 70 tirages photos au sténopé de bâtiments «sensibles», New York, 2008. Retour sur la pièce Instinct de mort et le potentiel esthétique du tir au pistolet à bout portant: séries de dessins à l’impact de balles —portraits et paysages grand format, Rest In Peace / Bush, 2007; Borders / North Korea, 2008; Borders /Pakistan. American Security, sculpture-coffre-fort Gun Safe, 2008. Welcome Home Boss, série de photos, 2001. Pièce de dessin au trait, grand format, réalisée et exposée en 2009 à Séoul dans l’ancien quartier général des services secrets sud-coréens. Pièce photographique: le tunnel secret entre la Corée du Nord et Corée du Sud.
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4.
Questions de la salle.
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Citations
«Alain Declercq se rapproche de la dynamique de ce qu’il est convenu d’appeler les ‘médias tactiques’, appellation héritée de la pensée de Michel de Certeaux pour désigner les médias que l’on fait soi-même afin de contrer une pensée dominante véhiculée par les mass-médias trop peu indépendants du pouvoir politique et économique. En ce sens, ce travail peut être perçu à la lumière du conflit rampant entre anciens et nouveaux médias qui permettent non seulement de jouer en contre, mais aussi d’organiser de nouvelles formes d’activisme.» Samuel Bianchini, Prise de vue, 2010.

«À travers ses installations, ses photographies, ses dessins et ses films, Alain Declercq explore les différentes structures du pouvoir et les oppressions qu’elles engendrent —schizophrénie sécuritaire, surveillance, manipulations médiatiques. Sa technique de l’inversion transforme Declercq en chasseur d’indices, provocateur de dysfonctionnements, renverseur de situations ou empêcheur de tourner en rond. Pour aboutir à ses fins, il n’hésite pas à s’investir, sans gilet pare-balles, en s’exposant en permanence par la filature, l’infiltration, l’enquête ou la manipulation. Declercq a réussi à transposer le genre du roman d’espionnage dans le champ des arts plastiques —puisque c’est bien de l’art de l’espionnage dont il est question ici. L’œil critique que Declercq pose sur notre monde contrarie notre quotidien et agace nos certitudes. Entre réel danger et contre-pied absurde, l’apparente paranoïa de l’artiste fait sourire, inquiète ou fait grincer des dents.» Jeanne Susplugas, in Textes, éditions Loevenbruck)

Né en 1969, Alain Declercq vit et travaille à Paris.