Jacques Perconte, l’explorateur multimédia

Jacques Perconte a grandi à l’ère de l’évolution numérique, qui s’est largement amplifiée durant les années 1990 alors que l’on commençait à démocratiser auprès du public, l’informatique, les nouvelles technologies et le développement d’internet. Il s’agit d’un artiste multimédia. D’une part, il a effectivement reçu des formations artistiques pluridisciplinaires, telles que la vidéo, la photographie, la musique, la peinture et le dessin; mais surtout, il s’est très vite intéressé et consacré spécifiquement à la vidéo, à internet et aux images numériques, qu’il n’a jusqu’à présent jamais cessé de décortiquer, d’exploiter, de transformer, d’analyser, de bouleverser dans son processus de travail. Lorsque l’on observe la continuité des œuvres produites par l’artiste au fil de sa carrière, on peut constater une progression cohérente, intéressante dans la recherche de la dimension picturale de l’image numérique, qu’il souhaite atteindre dans chacun de ses travaux. Il est également intéressant de noter que le travail de l’artiste, a évolué également en fonction des diverses évolutions technologiques ayant eu lieu au cours du temps, puisque celles-ci lui ont permis de progresser dans l’approfondissement de ses recherches, autour de l’image numérique et son détournement, en utilisant des techniques et des médiums permettant une transformation, un «bricolage» de l’image, de plus en plus perfectionné et poussé.

Dans la première partie de sa carrière, Jacques Perconte a cherché à exploiter l’alliance d’un travail vidéo et le traitement d’images numériques issues d’internet. Cela donnera notamment naissance à une série d’œuvres vidéos, créées en format GIF animé, rassemblées sous le nom de la série des Corps numériques. Il s’agissait alors pour l’artiste de partir d’une photographie trouvée sur le net, représentant des femmes nues, de la diffuser sur un écran d’ordinateur, puis de la filmer directement à partir de celui-ci. Ce processus produit des clignotements, des apparitions aléatoires de formes, des trames et des effets de dynamisme sur l’image initiale. Il est alors intéressant de constater les effets picturaux produits, totalement indépendant du travail même de l’artiste, que produit la mise en abyme de la photographie initiale, par l’intermédiaire de cet «outil-technologique» qu’est la caméra. Perconte intervient ensuite dans le montage des images, qu’il assemble à sa guise, en y incorporant une bande son, obtenant ainsi un projet vidéo grâce à une fabrication artisanale.
A partir de 2001, l’artiste va faire évoluer son travail, en associant à son processus personnel, les techniques de traitement et de retouche d’image, à l’aide de logiciel permettant ces déformations. Par exemple, pour réaliser l’œuvre vidéo nommée Phex, Perconte a travaillé, changé, agrémenté au maximum ses séquences pour obtenir un traitement de l’image. Il a d’abord filmé à l’aide de trois caméras, deux danseuses nues, dont il souhaitait que leurs gestes, leurs corps expriment la dispute et la bagarre.  Il a ensuite traité chaque image dans un logiciel de retouche d’image, puis les a ré-assemblées et montées, afin d’obtenir une vidéo de 145 mn, qui elle-même a été de nouveau diffusée sur un écran, et enfin refilmée d’après celui-ci. Toutes ces étapes engendrent ainsi de nouveau, des transformations plastiques aléatoires, sur les images de base. On retrouve dans cette œuvre, un réel travail pictural, et une continuité dans la volonté d’exploration de l’image numérique à travers les yeux de l’artiste et de la caméra, tout en exploitant à nouveau le corps féminin, comme base représentative, permettant un détournement graphique, artistique et créatif de l’image vidéo.
La volonté d’inspiration et de représentation de la femme comme sujet créatif, combiné au travail de retouche, de transformation et de détournement de l’image, atteint encore une autre dimension dans l’œuvre nommée 38°. Il s’agit d’un projet de livre qu’on lui a commandé en 2003, et qui devait porter sur un travail photographique visant à explorer au maximum le modèle présent sur les images. (Jacques Perconte, 38 degrés, édition couleur, 120 pages, 25x20cm, 1000ex, paru aux Éditions le Bleu du ciel, Bordeaux, en fin d’année 2006, photos réalisées à Paris.) Une femme dont l’artiste est très proche, prénommée Isabelle, en est le sujet unique, et le titre 38°, indique la «température qu’il doit faire à quelques centimètres de sa peau». Ces photographies évoquant indiscutablement une certaine sensualité à l’origine, vont être pour l’artiste la base d’un travail dans l’exploration du corps même du modèle, mais aussi celle des images numériques permettant sa présentation. Perconte va alors vouloir atteindre ce qui est ancré au plus profond d’elles, pour en arriver finalement à percer le code informatique de ces images, ne pouvant ainsi entrer plus intimement dans «l’image-corps» de cette femme. Le rendu visuel ne présente alors plus que des parties colorées et  pixellisées, résultant de la transformation des photos initiales d’Isabelle en en code numérique.
Par la suite, l’artiste a approfondi ce projet en créant un programme informatique étant capable d’extraire le code des images, qui lui permettait ensuite de paramétrer un code particulier, qui dès qu’il apparaît au sein d’une image, transforme à nos yeux la partie correspondant à ce code, que Perconte a nommé: I Love You, en donnant l’impression qu’une partie de l’image a été victime d’un bug. Ce dispositif tendait à prouver qu’il y avait de l’amour dans ces photos, et les parties tronquées de l’image en étaient la preuve. Ce travail, a également été l’occasion pour l’artiste, de se voir exposé sur les murs de galeries d’art en présentant des tirages photographiques issus du projet 38° (du 29 avril au 24 mai 2008 à la Galerie Ooblik à Lyon, et du 17 janvier au 17 avril 2008, à l’Artothèque de Pessac). Jacques Perconte, artiste multimédia, touche à tout et «bricoleur», nous entraîne à coup sûr au plus profond de ses sujets, de ses modèles, des différents médiums qu’il emploie, en ne cessant de nous surprendre dans l’exploration même des qualités picturales que peuvent avoir les images numériques.