Programme intensif pluridisciplinaire entre le département d'arts plastiques de l'université Paris 8, le département de philosophie de l'université de Bratislava, la faculté des Beaux-arts de Séville et l'école des Beaux-arts d'Athènes. L'idée directrice est de confronter les regards pluriels de ces quatre institutions dans un lieu riche en références communes : Delphes. Nous voudrions y fonder ensemble un enseignement européen de l'art et de l'esthétique de l'image destiné à des étudiants de niveau master.
Dans la construction d'une identité européenne, la question de l'image de soi et de l'image des autres nous a paru centrale : le regard sur le familier et sur l'inconnu, sur la diversité culturelle telle qu'elle se manifeste dans les coutumes, la langue, les codes de communication ou l'habitat. Que veut dire, sur le plan des représentations, "se sentir européen" ?
Le programme inclura des cours théoriques et des ateliers (arts plastiques, photographie et multimedia). Les étudiants obtiendront des "crédits" à l'issue du programme intensif auquel ils auront participé. Le programme intensif donnera lieu à une publication, un CDRom, une exposition au Centre culturel français de Delphes et sur le Web.
Avec ce projet, nous voulons nous interroger sur les modalités à mettre en oeuvre pour créer un enseignement européen au sein de nos universités. Cet enseignement européen passe par la mise en place de réseaux interuniversitaires. Ce programme intensif a pour objectif de renforcer les réseaux déjà constitués entre les différents partenaires et d'en fonder de nouveaux. La question de l'image, partie intégrante des cursus de nos quatre établissements sera abordée dans une perspective européenne. Les images d'hier (patrimoine culturel) et celles d'aujourd'hui (nouvelles technologies) véhiculent des représentations mentales qu'on analysera. L'Europe en train de se construire saura-t-elle créer ses mythes fondateurs et fédérateurs ?
Nous voudrions montrer qu'il est possible de construire un enseignement de l'art et de l'esthétique qui soit européen. Il ne peut se faire que par les rencontres fructueuses d'étudiants et d'enseignants européens, la confrontation des systèmes de fonctionnement et la réflexion collective sur de nouveaux contenus disciplinaires à vocation européenne.
Le programme se déroulera sur deux semaines. Les activités proposées seront de trois ordres :
- des séminaires de réflexion, des cours et des conférences (25 heures),
- des visites in situ (20 heures),
- des ateliers (45 heures).
Les cours théoriques consisteront en une réflexion philosophique sur la question de l'image de soi et de l'image des autres. Nous analyserons le caractère "paradoxal" de l'identité et la nécessaire prise en compte de l'altérité dans la construction de l'identité européenne. L'altérité est à la fois condition et instrument de la dynamique identitaire. Toute "image de soi" est soumise à la reconnaissance d'autrui.
Les textes de Descartes, Hegel, Levi-Strauss, de Paul Ricoeur, de Lévinas permettront d'alimenter cette réflexion. La question de l'identité culturelle de l'Europe sera aussi étudiée d'un point de vue historique. C'est en puisant aux sources les plus variées que l'Europe a forgé son identité. S'il y a une spécificité culturelle européenne, l'Europe est diverse, elle laisse apparaître une multiplicité qui fait sa richesse. Nous analyserons les exemples des pays participant au projet. Ainsi l'Andalousie (Séville) s'est enrichie de la prégnance musulmane entre les VIIIème et XVème siècles, sans compter les apports juifs et byzantins. La Grèce s'est nourrie des apports égyptiens, étrusques, romains, byzantins. Paris, elle-même, a été terre d'asile entre les deux guerres mondiales, ce qui a permis un renouveau artistique et l'éclosion des avant-gardes. Bratislava aujourd'hui se restructure et tisse de nouveaux réseaux européens. Nous mettrons en valeur le caractère multiculturel de l'Europe.
La question du visage, que Lévinas voyait comme une métaphore de l'altérité, et celle du corps comme lieu de possibles métissages seront abordés d'un point de vue artistique et esthétique. A l'ère du "post-humain", du "trans-humain", de la chirurgie esthétique et de la génétique, le corps et ses images investissent le champ de l'art contemporain. Nous étudierons certaines de ces nouvelle images ainsi que des textes sur le corps, la chair, la "visagéité", de Nietzsche, Artaud, Deleuze, Anzieu.
Les cours pratiques consisteront en une fréquentation étroite des images et en une création d'images grâce à des moyens divers (peinture, photographie, vidéo, numérique, multimédia, écriture).
Ateliers :
Atelier d'écriture (12 heures) :
Les ateliers d'écriture auront pour objectif de faire prendre conscience aux étudiants de la spécificité des langues qu'ils utilisent. Nous aborderons la question du corps à travers des textes de fiction écrits en français mais aussi en anglais, grec, espagnol ou slovaque (par exemple Platon, Cervantes, Rabelais, Lewis Carrol, Georges Bataille, Marguerite Duras ou Nathalie Sarraute). L'étude des textes se fera à partir des traductions dans les quatre langues des participants. Qu'apporte et que perd la traduction par rapport à l'original ?
Atelier d'arts plastiques : images de soi, regards sur l'autre (15 heures):
Dessin, peinture, modelage à partir du modèle vivant et du corps en mouvement. Quelle perception a-t-on d'un corps en mouvement et que perçoit-on d'un corps ? Les travaux seront présentés dans l'exposition de fin de programme.
Atelier de photographie : images de soi, regards sur l'autre (15 heures):
Les étudiants apporteront chacun un dossier de photographies réalisées ou choisies par eux. Trois distances seront privilégiées (gros plan, vue moyenne, vue lointaine). De l'analyse de ces images, une réflexion naîtra sur la part de la culture locale et la part de la culture européenne. Une exposition collective rendra compte de cette vision plurielle.
Atelier multimédia : l'Europe et les nouvelles images (20 heures) :
Réalisation d'images de synthèse, de vidéo, de films, de CDRoms et d'une exposition en ligne.
Certains ateliers se dérouleront parallèlement pour permettre un travail en demi-groupes.
Chacune des universités concernées comporte déjà dans son cursus un enseignement portant sur l'image et une réflexion sur les images du corps, physiques ou symboliques. Les académies des Beaux-Arts d'Athènes et de Séville ont chacune des ateliers de dessin anatomique (à partir de modèles vivants), de photographie et de nouveaux médias. Le département d'arts plastiques de Paris 8 propose aux étudiants, dans son cursus, différents cours portant sur l'image, la photographie, les images du corps (au 19ème et au 20ème siècles) ; l'esthétique et les nouveaux médias occupent au sein des enseignements une place prioritaire. A Bratislava, les cours de philosophie grecque font une large place à l'image et à la représentation du corps. Reste à construire ensemble un enseignement où la question de l'image est abordée dans une perspective résolument européenne, à la fois dans ses contenus et dans ses modalités.
Travailler sur la question des "images de soi" et des "images des autres" nous permettra d'interroger les notions d'identité, d'altérité et de relations interculturelles, toutes centrales dans la construction d'une dimension européenne. Les étudiants vont réfléchir à travers leurs productions à ce qui appartient à leur culture propre et à ce qui leur est commun, le contenu même des enseignements sera nourri de cette tension.
Les Techniques de l'Information et de la Communication (TIC) seront un outil privilégié dans le programme intensif. Le site Web sera alimenté régulièrement avant, pendant et après le programme intensif. Les étudiants, aidés de leurs enseignants, réaliseront un CDRom et une exposition évolutive en ligne.
Les étudiants de deuxième cycle européen (4ème et 5ème années) seront sélectionnés par chaque université en fonction de leur motivation à travailler dans une perspective européenne. Il y aura dix étudiants par pays participant. Un dossier personnel, théorique et pratique, sera demandé à chaque futur participant. L'aptitude à travailler en équipe, à s'ouvrir à une spécialité qui n'est pas la sienne, seront aussi des critères de sélection des candidats. Il leur sera aussi demandé de parler une autre langue que la leur. Beaucoup d'enseignants, du primaire ou du secondaire, suivent un cursus d'arts plastiques ou de philosophie en formation continue. Ils seront intégrés prioritairement dans le programme.
Le français sera dans le programme intensif la langue fédératrice, avec comme langues d’appoint l’anglais, l’espagnol, le grec et le slovaque. Les documents produits seront soit en français, soit bilingue (langue du participant et français ou anglais).
Chacun des étudiants participant au projet devra, au terme des deux semaines, soumettre à un jury de quatre enseignants un dossier. Il comportera deux travaux réalisés par lui au cours des ateliers. Ce dossier devra également intégrer une partie rédigée, dans sa propre langue ou en français, sur un problème choisi en accord avec ses « tuteurs ». Chaque stagiaire sera en effet sous la responsabilité particulière de deux enseignants, qu’il pourra considérer comme ses tuteurs, l’un étant pris dans son université d’origine, l’autre dans l’une des universités partenaires. Ces deux enseignants assureront le suivi de l’étudiant pendant le temps fort que représentent les deux semaines de travail intensif, mais aussi avant et après ces rencontres. En outre, il sera demandé aux étudiants d’accompagner leur dossier d’un carnet de bord quotidien avec croquis, notes et questions. Cela constituera un précieux témoignage lors des bilans de fin de programme intensif, et certains des éléments ainsi collectés pourront être intégrés à la publication.
Les bilans auront pour objet non seulement de faire préciser aux étudiants ce qu’a été pour eux l’apport du projet mais également de permettre aux responsables de mieux évaluer les points forts et les points faibles de l’expérience en vue de la reconduction du projet et du développement du diplôme commun.
Des bilans de fin d’année permettront d’évaluer, pour chaque étudiant, le travail effectué durant toute l’année scolaire et la manière dont chacun a intégré, dans sa formation et ses réalisations, les apports du programme intensif.
L’enseignement fera partie du cursus universitaire des étudiants. Il sera intégré dans le système ECTS déjà appliqué dans les quatre universités partenaires du projet. Les unités d’enseignement seront validées sous forme de crédits. Le stage intensif proprement dit permettra de valider deux modules (20 crédits) qui entreront dans le master.
Ce projet a pour vocation de se poursuivre au cours des deux années suivantes, avec les mêmes universités partenaires auxquelles pourront s’adjoindre d’autres universités. Il a pour but la création à court terme d’un master européen commun à ces quatre universités, fondé sur l’image, que le programme intensif a pour vocation de préparer. Ce master inclura un enseignement en esthétique de l'image centré sur la question de l'identité européenne.