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Les Joueurs de flûtes, 1997/2006
Aluminium et résine, capteur solaire, turbine et électronique. Crédits Courtesy Parc de La Villette, Paris. Photo : Juliette Delaporte
« L’œuvre d’Erik Samakh naît d’un dialogue constant entre l’homme et la nature. Attentif à ses bruits et à ses sons, à ses couleurs comme à ses différents règnes, il agit en arpenteur. Depuis quelque 25 ans, il capte, enregistre, et restitue dans l’espace du musée ce qui constitue pour lui une véritable matière plastique qu’il installe et diffuse en autant de lieux propres à la découverte. L’espace ambiant, dévolu jusqu’alors au pouvoir des images devient tantôt un “lieu d’écoute”, tantôt un “espace de silence” et transforme notre approche perceptive et perceptible du réel. Mais il intervient aussi dans le paysage et le fait réagir, en y greffant différents instruments de son invention. »
Bernard Blistène in http://documentsdartistes.org
« Différentes expérimentations, installations acoustiques au comportement animal m’ont amené à concevoir des outils particuliers que j’appelle : “modules acoustiques autonomes”. À l’image de la plupart des animaux, les modules acoustiques peuvent hiberner. Les machines ne consomment alors que le minimum nécessaire aux fonctions élémentaires de leurs circuits. Les temps d’émission et leur intensité dépendent de l’énergie emmagasinée dans la journée, selon la capacité de la batterie et de la surface du capteur solaire. Cette autonomie impose un comportement particulier. Les palpeurs des robots acoustiques permettent l’analyse du “climat” de l’espace. Anémomètre, thermomètre, hygromètre, radars, peuvent être connectés aux entrées dont est équipée la carte du microprocesseur. Ainsi le module reste en perpétuelle résonance avec le milieu, pour y diffuser ses sons. S’agit-il d’une nouvelle espèce s’intégrant à son monde d’adoption tout en l’influençant ? Dès les premières émissions, l’espace entre en vibration, modelé par la présence virtuelle et l’énergie nouvelle. La machine est le vecteur discret qui prolonge et perpétue l’action première, entretenant le processus de création de l’événement sonore. L’appréhension de l’espace de l’installation est alors perturbée. Chaque esprit, devant cette “réalité virtuelle”, reconstruit une image intime, poétique et magique de cet espace. Les conséquences de ces émissions sonores dans un écosystème déterminé sont nombreuses, et si certaines informations du milieu influent sur le comportement des machines par l’intermédiaire des palpeurs, la propagation de ces réactions sonores peut introduire des modifications dans les communications acoustiques de certaines espèces indigènes animales et/ou humaines. Par les effets de ces interventions, les individus — oiseaux, insectes, batraciens — peuvent devenir à leur tour les agents d’une expérimentation toujours renouvelée. »
Erik Samakh, “Modules Acoustiques Autonomes”, Entre chiens et loups, Centre d’art Le Crestet.
http://www.documentsdartistes.org/artistes/samakh/
Né en 1959 à Saint-Georges-de-Didonne, Charente-Maritime, Erik Samakh enseigne à l’École d’art d’Aix-en-Provence et vit à Serres, Hautes-Alpes. Il a participé à des biennales (Venise, Enghien-les-Bains), exposé dans des musées internationaux (Centre Pompidou, Musée national archéologique et anthropologique de Lima au Pérou). Sa démarche artistique s’inscrit et se réalise aussi dans les espaces naturels (Parc naturel régional de Lorraine, Gorges du Riou dans les Hautes-Alpes, Réserve géologique de Haute-Provence, Forêt de Tijuca au Brésil, Centre national d’art et du paysage à Vassivière).
Œuvres
Animal en cage, 1988
http://documentsdartistes.org/artistes/samakh/repro10.html
« Érik Samakh s’est fait connaître depuis plusieurs années par ses pièces acoustiques impliquant des cris d’animaux. Il souligne qu’en disposant de tels sons, il modifie la vision du lieu et agit de ce fait en plasticien. Animal en cage est une installation interactive visuelle et sonore présentée à Hanovre puis à Rennes en 1988. C’est une cage vide, mais l’attitude des visiteurs déclenche les cris de divers animaux. Les spectateurs sentiront, par exemple, qu’ils doivent rester longtemps immobiles pour entendre un oiseau. Mais, s’ils perçoivent qu’ils sont à l’origine de ces événements, ils n’en comprennent pas la cause ni toutes les règles. Le comportement des animaux, ou peut-être d’un seul animal hybride, est suggéré autant par leur apparente autonomie que par leurs réactions aux gestes des spectateurs. L’ordinateur travaille par la combinaison d’informations issues de capteurs solaires, radars et sonomètres. Par ailleurs l’artiste a développé des mémoires numériques de chants et cris d’animaux. Ce sont des modules acoustiques autonomes, qui réagissent là encore aux passants, mais en fonction de paramètres liés à l’environnement, à la lumière, à la température. Ils sont destinés à un accrochage prolongé en pleine nature, et, communiquant entre eux par radio, à se prévenir mutuellement de l’arrivée des promeneurs. Dans de nouveaux développements, ils pourraient saisir les sons eux-mêmes et les restituer sous divers modes, trouvant ainsi une plus grande insertion naturelle. »
Jean-Louis Boissier, « Machines à communiquer faites œuvres », La Communication, sous la direction de Lucien Sfez, Cité des sciences et de l'industrie/PUF, 1991
Grenouilles communicantes, 1991
« Médiane artistique » de Machines à communiquer, Cité des sciences et de l'industrie, La Villette, Paris.
« Dans Machines à communiquer, dont je suis le commissaire artistique à la Cité des sciences en 1991-1992, est tentée une nette distinction entre œuvres et présentations techno-scientifiques. Les œuvres de Jenny Holzer, Takis, Nam June Paik, Dan Graham, Jean Dupuy, Erik Samakh, sont nettement soulignées comme appartenant à l’art. Nous prenons en outre le parti de séparer clairement les œuvres en leur donnant des espaces comparables à ceux de petites galeries dans une « rue » traversant de part en part l’exposition que nous nommerons « médiane artistique ». À la Cité des sciences, tout est habituellement dénommé « manip » (pour manipulation). La coexistence de ces installations impliquant d’une façon ou d’une autre des techniques de communication dans un registre poétique et critique, avec des objets et installations à vocation démonstrative et documentaire, se révèle donc malgré tout difficile. Il reste que Grenouilles communicantes, d’Erik Samakh, assumera fort bien un statut ambigu. Cette pièce créée spécialement pour la « médiane artistique », consiste en un vivarium où vivront pendant des mois des grenouilles confrontées à des modules robotiques simulant la communication sonore propre aux grenouilles. La colonie vivante se trouve donc ainsi prolongée par des êtres artificiels. Le regardeur est incité à une observation attentive et à une réflexion sur cette manière d’organisme obtenu par l’hybridation du vivant et de la machine. »
Jean-Louis Boissier, extrait d’une conférence à l’ISELP, Bruxelles, 2003.
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