Borislava Simova
bobislava@hotmail.com

 
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01 Du site artistique au site numérique. Points communs entre le site dit physique selon le concept des artistes de Land art et le site numÈrique suivant le parcours d'apprÈhension de l'oeuvre par les "earth" et cyber artistes.
L'artiste Robert Smithson aborde au premier le concept du site d'une manière dialectique, c'est-à-dire qu'il établit un rapport entre la notion du site et du non-site en opposant les caractéristiques propres des deux. Un extrait de son article Art of the Environement (1972), fait un constat réel d'une homophonie entre le site et le non-site, tous les deux ne peuvent fonctionner que l'un par rapport à l'autre.
Site 
Limites ouvertes
Suite de points
Coordonnées externes
Soustraction
Certitude indéterminée
Information dispersée
Réflexion
Bord
Localisation
Pluralité
Non-site
Limites fermées
Arrangement de matière
Coordonnées internes
Addition
Incertitude déterminée
Information concentrée
Réfraction
Centre
Dislocation
Unicité

Cette réflexion d'origine dialectique illustre la méthode des artistes de Land art d'appréhender le site. Leur volonté consiste avant tout à sortir de l'espace muséal pour rechercher des nouveaux modèles, formes et concepts, tout cela dans l'optique de réinventer l'art. Smithson, Holt, etc. utilisent donc des supports provenant de la nature, tels que eau, l'air, la terre, le fer, etc. Leur intérêt porte sur l'évolution et la décomposition organique des matériaux naturels dont sont issues les oeuvres "earth works". Décomposées dans le temps, sans une durée fixe, elles revendique leur caractère éphémère et remettent en question le temps et l'espace réels de leur création.

Le temps a une présence physique dans Sun Tunnels de Nancy Holt, oeuvre réalisée en 1973-1976 à Great Desert. L'idée de remettre la Terre sur son axe, de lui donner une direction dans un lieu précis, trouve de la réalisation dans une sorte d'alignement des cylindres en béton, encastrés à l'intérieur d'une grande encoche du côté d'un plateau où les cylindres projettent leurs ombres pendant toute l'année. Le trajet de l'ombre projetée saisit le rapport de la Terre au système solaire et trace sa rotation de notre planette. Cette installation en plein désert ouvre la dimension physique du temps à travers l'expérience individuelle de l'artiste. La mesure de chaque phase à un moment donné du trajet de l'ombre, détermine la perception de l'espace dont le déplacement dessine le site.

Peut-on penser à une présence physique quant au site numérique en se référant au site physique des conceptuels? Vu la durée indéterminée de son existence, le site numérique réside sous la forme d'un concept mental dont la valeur physique est mathématiquement codée. Il occupe l'espace vrai de l'écran et l'espace mental de son créateur en projetant son contenu sur l'espace réel du spectateur. Le spectateur-internaute suit tout un chemin de passage d'un à plusieurs espaces, d'un temps à autre, voir plusieurs temps simultanés de vitesses variables.
Le spectateur des "earth works" passe également sans cesse d'un espace à autre, d'un extérieur à un intérieur en suivant le trajet tracé par l'artiste. Un " va-et-vient " en permanence crée le rapport aux œuvres.

Le Spiral Jetty de Robert Smithson demande par exemple au spectateur de faire de nombreux kilomètres de marche dans le désert pour l'appréhender. La même démarche conceptuelle constitue la logique de visite des sites numériques sur le web, c'est-à-dire que l'internaute suit tout un parcours d'opérations formelles permettant l'accès au site. La suite de chaque opération est ordonnée par un ordre formel nommé arborescence. C'est une sorte d'architectute virtuelle dont le but est de créer des repères. L'architecture dans Land art suppose un récit ou une fiction narrative tandis que dans le Web l'arborescence prend une dimension informative. L'internaute opère sur l'interface de plusieurs espaces numériques dont l'interaction lui demande à agir d'une manière prédéfinie. Son comportement rentre dans un schéma de déplacement sur la surface plate du site via l'écran où les signes divers échangent leur fonction de sorte que le monde représenté devient un ensemble de symboles à déchiffrer. Identique à un réseau que les chiffres constituent comme un système de signes, le site produit un effet d'aplatissement proche des plans dont sont issues les premiers "earth works" dans les années 60. Les informations aux moyens de cartes et de photos permettent aux conceptuels de situer leur site dans l'espace d'exposition pensé comme un réseau de surfaces et de lignes.
L'espace virtuel créé autour des œuvres produit un effet de flottement qui s'exprime sous la forme de navigation chez les internautes. Le temps et le moment sont " défaisants ", d'où le recours à la fiction chez les artistes de Land art. Les oeuvres peuvent valoir comme expérience du corps à travers l'instant ou comme récit du temps qui peut prendre la forme d'une histoire, d'un film ou de la science-fiction.
La dimension fictionnelle de Land art traduite dans le langage du Web veut dire faire un monde virtuel à l'appui des nouvelles technologies. Les artistes de Land art n'approuvent aucune fascination pour la technique car elle signifie "l'irrationalité et le chaos". Néanmoins, le développement des sites numériques à l'aide des nouveaux outils informatiques a beaucoup de points communs avec le concept du site de Robert Smithson.Enfin, tout est une question de vocabulaire, de différents moyens de réalisation, de formes multiples pour exprimer les mêmes idées philosophiques, scientifiques et artistiques. Une comparaison exemplaire des vocabulaires de Land art et des internautes montre les points communs entre les deux:

Site physique
Réseau de surfaces
Architecture
Espace fictionnel
Localisation
Lieu
Déplacement
Spectateur
Rapport direct
Suite de traces
Matériaux naturels
Site électronique
Réseau de voisinage
Arborescence
Espace virtuel
URL
Serveur
Navigation
Internaut
Interactivité
Suite de menus
Logiciels
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