| Artifices 1 | 4 - 31 octobre 1990 | Art à l'ordinateur : invention, simulation |
Pour mieux apprécier les propositions visuelles et interactives montrées dans l'exposition Artifices, il est utile de connaître quelques-uns de leurs antécédents techniques et artistiques. Ils sont de trois ordres. Les premiers remontent à la tradition d'art abstrait inaugurée par Mondrian, Malevitch, Kandinsky et Kupka au début des années 1910, tradition continuée notamment par les Constructivistes russes, le Bauhaus allemand et le groupe hollandais De Stijl où dominaient les formes géométriques et les préoccupations architecturales. La deuxième source remonte au Dadaïsme de la seconde moitié des années 1910 auquel participaient Duchamp et Picabia dans son versant plastique et qui trouva ses prolongements dans le Surréalisme, démarches fondées sur une attitude critique, ironique et anti-rationnelle. La troisième source, d'une tradition plus récente, est représentée par des artistes qui, en se servant de techniques inhabituelles dans les arts, mettaient en valeur les qualités et capacités esthétiques de ces techniques mêmes. Ces trois catégories de recherches artistiques trouvèrent un terrain commun dans les années 50 et 60 sous le vocable d'art cinétique au sens large, y englobant l'art optique qui faisait appel aux qualités perceptives aiguës du spectateur. La caractéristique principale de l'art cinétique fut l'emploi inédit du mouvement et de la lumière pour animer des propositions plastiques afin de dépasser les préoccupations esthétiques antérieures de l'art abstrait tout en cherchant à emboîter le pas à des développements d'ordre social et technologique. En même temps, certains artistes faisaient le lien entre l'ère mécanique finissante et l'ère électronique débutante. Ce fut le cas de Piotr Kowalski avec ses oeuvres environnementales comme Champ d'interaction et de Wen-Ying Tsai avec ses Sculptures cybernétiques. Les premières manifestations artistiques utilisant l'ordinateur remontent également aux années 50 et au d& eacute;but des années 60 quand, notamment aux Etats-Unis et en Allemagne, des expérimentations artistiques avec des oscillographes cathodiques et des ordinateurs analogiques ont eu lieu, suivies, à partir de 1965, par des oeuvres utilisant des calculateurs numériques. Parallèlement, d'autres technologies avancées comme le laser, l'holographie, la vidéo et les nouvelles techniques de télécommunications trouvèrent leurs premières applications artistiques grâce à des artistes, pionniers dans ces domaines. C'est la convergence de ces divers développements esthétiques et techniques qui est à la base des créations présentées dans l'exposition Artifices. Mais un autre phénomène dont on peut retracer la filiation émerge dans cette exposition. C'est le passage de la participation du spectateur, recherchée par les artistes des années 50 et 60, à l'interactivité entre l'oeuvre et l'artiste et surtout entre l'oeuvre et le spectateur grâce à l'emploi des nouvelles technologies. En fait chez les créateurs de l'ère pré-électronique, la participation du public fut sollicitée par une option et parfois une obligation pour le spectateur d'intervenir dans des parcours préprogrammés ou par son simple mouvement devant ou à l'intérieur de l'oeuvre. Tout au plus des éléments plastiques furent mis à sa disposition pour composer une oeuvre ludique prédéterminée. Mais, en fin de compte ceci modifiait assez peu la proposition artistique initiale. Une période intermédiaire entre participation et interactivité fut représentée par des oeuvres sculpturales ou environnementales utilisant une technologie déjà assez avancée pour créer des propositions animées électroniquement et modifiées totalement par le comportement actif du public. Cependant, la pleine interactivité entre l'oeuvre et le spectateur n'a été atteinte que récemment et apparaît dans certaines oeuvres de l'exposition Artifices. Dans ces propositions artistiques, des techniques de numérisation de l'image, de communication informatisée et d'autres technologies avancées de l'image ou de l'installation plastique interactive permettent au spectateur d'engager un véritable dialogue avec l'oeuvre qui répond en temps réel et dans son propre langage, aux initiatives du spectateur l'incitant à son tour à de nouvelles actions. Ainsi, l'activité créatrice ne prend nullement fin avec l'achèvement de l'oeuvre par l'artiste, mais continue sa vie grâce aux interventions du public.
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