| Artifices 1 | Images de synthèse interactive |
Avec le numérique, l'image se décompose en ses ultimes constituants : les pixels. Mais, alors que cette décomposition la rend, théoriquement du moins, inaltérable, duplicable à l'infini, transmissible sans aucune perte, donc totalement stable, fixe, tout à fait conforme, et au-delà, aux propriétés de l'image traditionnelle -photo, cinéma, télévision, peinture-elle lui donne en même temps la fluidité des nombres et du langage, la capacité de répondre aux moindres sollicitations du regardeur, aux plus inattendues, elle la rend instable, mobile et motile, changeante, pénétrable. La vie de l'image dorénavant peut ne plus tenir qu'à un souffle. Mais dans ce souffle qui sème à tout vent des fragments rompus de sa surface, elle puise aussi le pouvoir de renaître ailleurs, autrement, d'être finalement plus qu'une image. Dans le monde de la simulation interactive, l'infini et l'éternité s'apprivoisent, l'inéluctable se domestique. Le destin - ce qui doit advenir, l'enchaînement fatal des causes et des effets, l'événement suprême dicté par les dieux ou imposé par le jeu du hasard et de la nécessité - n'a plus cours. Faut-il conclure alors que, à la façon dont les outils ont libéré de tâches contraignantes et mécaniques la main, le corps, la mémoire ou la raison de l'homme, les machines interactives, en simulant le réel et ses devenirs éventuels, le libèrent désormais du destin ? Que restera-t-il alors de propre à l'artiste, si l'art est - comme le disait André Malraux dans une formule à l'emporte-pièce - l'«anti-destin» ? Peut-être le même et interminable travail, toujours à recommencer : recoudre les fragments du monde déchiré par la technique, tenter de redonner une cohérence symbolique aux choses, un sens finalement dont la technique, si sophistiquée soit-elle, si interactivement intelligente même qu'elle puisse devenir, est totalement dépourvue. Edmond Couchot Marie-Hélène Tramus
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