Statut
Mots clés : ingénieur, aéronautique, miroir, énigme
Ce court-métrage a une apparence ordinaire. Le montage des images
est rythmé par le débit de la voix-off et l’apparition
du panneau ou de l’enseigne de chaque stand, sans plus. Mais,
il est un vrai documentaire. C’est-à-dire que la voix-off
(bien sûr ajoutée après coup, mais inscrite dans
mon esprit sur le moment) et les images se situent toutes les deux dans
le même temps : le présent du filmage. C’est donc
un film sur la mémoire en temps réel avec un point de
repère. Au moment où j’étais en train de
filmer, l’objet du filmage était justement le déclencheur
d’un souvenir de mon passé datant d’il y a dix ans.
Cette situation me rappelle une expérience : en assistant au
déroulement d’une scène, je sens son importance
et l’intègre en même temps dans la structure d’une
nouvelle naissante. Je dois être à la fois l’un des
acteurs sur scène et un spectateur. J’observe et enregistre
ce qui se passe devant moi et à l’intérieur de moi.
Il m’est nécessaire de mémoriser le passé
récent et d’anticiper le futur immédiat. Dans ce
film, je suis un double traducteur qui transforme simultanément
ce que je vois en images et ressens en voix et puis en écriture.
Ironiquement, ce film nie ce qui a été dit dans la voix-off.
Il est né accidentellement, car le trouble à cet instant-là
était tellement fort que je ne pouvais pas l’ignorer. En
fait, pour laisser une trace de ce salon, j’ai proposé
de filmer les exposants et leur stand. C’était une tâche
en dehors de ce que j’avais été payé pour
faire. Puisque filmer fait partie de mes activités quotidiennes,
je pensais que de ce fait, je pourrais rendre plus intéressant
mon travail qui était assez facile à remplir, bien rémunéré,
mais ennuyeux et le revaloriser un peu et enfin me revaloriser. À
ma surprise, une fois que j’ai regardé les images à
travers l’écran, le monde autour de moi est devenu très
sensible au point d’évoquer d’autres images antérieures
rangées quelque part dans ma mémoire. Il paraît
que le monde physique doit être d’abord changé en
image pour qu’il puisse s’approcher des images résidant
dans la mémoire, puis les réactualiser. Le contact direct
entre le monde et l’œil nu ne produit pas ou de façon
moins frappante cet effet. Les articles étalés dans chaque
stand et les participants de ce salon s’éloignent tout
à coup de moi, j’ai été transporté
dans un autre monde, tout en restant lié à ici et maintenant
par le biais du caméscope. De ce fait, le caméscope fait
office d’une machine qui me permet de voyager dans le temps. Je
me trouve ainsi dans un autre salon, avec un décor similaire,
mais beaucoup plus grand, et avec une technologie plus sophistiquée.
La réminiscence de ces images similaires à celles défilant
sur l’écran de mon caméscope change tout de suite
mon humeur. N’ayant pas encore achevé quelque chose dont
je puisse être fier, j’ai eu l’impression de ne faire
que régresser dans le parcours de ma vie. Si je n’avais
pas proposé de filmer, je n’aurais probablement pas eu
l’occasion de me sentir si triste. En fait, mon envie de revaloriser
un peu ce travail, implique déjà que j’étais
conscient de ma situation.
La voix-off dans ce film ne commente pas les images enregistrées
pour une autre raison. Elle parle plutôt de ce salon, de ma relation
avec lui et de la genèse de ce film que le spectateur est en
train de découvrir. La voix-off se situe dans l’enceinte
du film, mais se réfère sans cesse à mon filmage
comme si elle était un commentaire sur un autre film qui prendrait
forme plus tard. Je suis en train de filmer. Ce geste devient le cadre
de l’histoire. Ce sont ensuite ma réflexion, mes plaintes
et mes souvenirs qui viennent altérer la teinte de ce paysage
mécanique. En même temps que je poursuis ma mission du
filmage, ma pensée continue. Lorsque mon filmage s’est
achevé, j’ai enfin compris la cause de ma tristesse. Ainsi
les images filmées et le mouvement de mon humeur tracé
sur la pellicule sensible de mon esprit, donnent corps à ce film
final.
Dans la voix-off, j’ai employé la métaphore du mur
pour décrire une séparation volontaire entre le passé
et le présent. Ce mur a été érigé
pour me protéger des tentations du confort, de la sécurité
et de l’affection, et pour m’empêcher de retourner
trop facilement dans l’ancien monde à cause des difficultés
rencontrées. Ce mur était haut, épais et opaque,
je ne voulais ni voir, ni entendre ce qui s’était passé
de l’autre côté. Cela ne veut pas dire que j’ai
honte de mon passé ou je nie totalement mon existence antérieure.
Ayant eu déjà dix ans de retard dans ma recherche, je
dois me concentrer et courir vite. Je n’ai pas le temps d’être
sentimental. Je vis donc uniquement dans le présent, le présent
de construction qui deviendra un nouveau passé dans le futur
- un nouveau passé lucide et désiré. Mais l’univers
du cœur et de l’émotion est mystérieux. Il
suffit d’une image anodine pour faire trembler la terre et détruire
le mur prétendu sans faille. Ce moment est précieux. Ma
mémoire discrète a saisi cette occasion pour m’arracher
du présent et me fait revivre quelques moments dans le passé.
Ainsi, à travers les décombres, au lieu de constater une
rupture brutale de ma vie ou un échec qu’il vaudrait mieux
oublier, je vois une continuation avec des pas fermes et bien cadencés,
seulement sous une autre forme. Désormais, je n’ai plus
besoin de mur artificiel pour me mettre dans le bon chemin. Je suis
sur ma voie.
J’ai gardé exprès les images dans lesquelles mes
compatriotes et des visiteurs ont jeté un coup d’œil
à l’objectif de mon caméscope. D’habitude,
je les enlève, car elles gênent la vision anonyme du spectateur
et le mettent mal à l’aise. Mais ici, leur regard interrogatif
témoigne de ma présence et m’a fait exister. Une
interaction se produit ainsi entre celui qui filme et celui qui a été
filmé. J’ai envie de m’inclure visuellement dans
ce travail tout en restant hors champ, parce qu’à cause
de ce retour du passé, « je », le caméraman,
monte sur scène et occupe désormais une place importante
dans cette histoire. À part mon cadrage et ma façon de
voir, il est rare que mes images ne soient pas neutres. Ma subjectivité
se trouve principalement dans la voix-off et dans ma manière
de tisser le lien entre la voix-off et les images. À la fin du
film, inspiré par Les quatre cents coups de Truffaut, j’ai
fait un arrêt sur images sur un regard puissant, plus l’ai
agrandi. Ce regard me pose des questions telles « Pourquoi me
filmez-vous? », « Pourquoi filmez-vous ? », «
Savez-vous ce que vous faites ? », « Que découvrez-vous
derrière l’objectif et dans mon regard ? », etc.
Ce regard m’intimide comme les autres regards parsemés
dans ce film, mais je relève ce défi et continue à
filmer sans m’éluder. Cette dernière image est très
symbolique qui montre ma détermination à faire face aux
difficultés de la vie d’artiste tout en assumant le côté
mélancolique de mon choix. Ainsi on entend la musique des Quatre
cents coups et des bribes de dialogues dans Et là-bas, quelle
heure est-il ? de Tsai Ming-Liang. L’acteur Jean-Pierre Léaud
vieilli y a prononcé son nom et m’a même demandé
: « Vous cherchez quelque chose ? ». L’héroïne
de ce film taiwanais est donc ma déléguée, car
non seulement elle dit où je suis et où a lieu ce salon
(« ba li », Paris), mais présente aussi mon remerciement
(Thank you) à Jean-Pierre Léaud dans un cimetière.
Dans le film de Tsai Ming-Liang, il a mis Les quatre cents coups en
abîme, dans mon court-métrage, j’intègre les
deux, l’un pour sa nostalgie, l’autre pour son regard. Car
pour le premier film, il s’agit d’une séparation
entre deux villes, entre la vie et la mort et entre deux temps (sept
heures de décalage horaire, donc entre le jour et la nuit). Cette
nostalgie reflète bien ma situation à Paris. Pour le deuxième,
le regard à la fin du film immobilise et immortalise une inquiétude
devant l’incertitude de l’avenir. Le visage agrandi du jeune
Jean-Pierre Léaud, couvre le spectateur et l’entoure dans
la même appréhension, mais cette fois-ci, c’est vis-à-vis
de sa propre vie. À la fin de mon film, devant le regard inquisiteur
d’une visiteuse, je n’ai ni paniqué, ni essayé
d’y échapper. Malgré la même incertitude,
je sais ce que je fais et j’ai le courage de le poursuivre. Alors,
j’ai renvoyé mon regard sûr, mais invisible, au regard
hésitant du Jean-Pierre Léaud, à travers le regard
pénétrant de la femme.
Je remarque que devant le caméscope, souvent on fait une pose
figée comme s’il était devant un appareil photo.
De cette manière, avec les images avant, pendant et après
la pose, le caméscope révèle le processus de fabrication
d’une photographie et son côté hypocrite. Après
quelques secondes, on voit que l’expression faciale de la personne
filmée devient rigide et forcée. Bien qu’elle se
demande pourquoi cela a pris si longtemps, elle s’efforce encore
de tenir bon pour ainsi laisser une belle image d’elle. En même
temps, j’attends avec patience que quelque chose d’intéressant
survienne. Ainsi, un jeu psychologique se déroule devant et derrière
l’objectif du caméscope. Malheureusement, la plupart du
temps, rien ne se produit, alors toutes les deux parties sont un peu
déçues. C’est vrai, on n’est pas acteur, sans
savoir comment réagir, on se sent gêné devant l’objectif
du caméscope. Être naturel est difficile, car d’abord
il faut faire comme si le caméscope n’existait pas, ou
mieux encore, comme s’il faisait partie de l’environnement
ou s’il était membre de la famille, c’est-à-dire,
lui et le caméraman étaient un être intégral
et vivant. Chaque outil a son point fort et sa spécialité.
Le quiproquo des outils peut créer des situations inattendues.
Dans ce film, les images sont chargées de suggérer la
caractéristique de mon ancien travail. À l’aide
de l’incrustation des mots dans les images au début du
film, la voix-off décrit ma situation présente et ce que
je fais au moment du filmage. L’énumération humoristique
de ce travail d’une semaine sert à démontrer le
contraste entre ce que l’on me demande de faire et ce que je faisais.
Mais ce passé-là, je ne le révèle qu’à
la fin du film. Ce décalage entre le présent et le passé
provoque en moi une tristesse violente. Heureusement, elle n’ébranle
pas le fondement de ma décision. Bien qu’elle soulève
seulement quelques vagues d’émotion passagère, elle
me pousse quand même à réaliser ce film en guise
de trace, non pas pour mon employeur à court terme, mais pour
moi. Enfin, la deuxième incrustation des mots clôt ce film
et donne la clé aux énigmes de mon ancien travail et de
ma formation précédente. Entre ces deux incrustations,
on voit l’apparition d’un souvenir, ma tristesse, puis le
retour au calme, donc la vie et la mort d’un passé ressuscité
– une petite parenthèse de ma vie à Paris. Grâce
à cette expérience, je suis plus sûr, plus fort,
et plus déterminé dans ce que j’aime faire. Ici,
les mots lus par les yeux indiquent seulement des faits. Ils ne sont
pas ouverts aux discussions. Ils sont succincts et froids. Ces titres
évoquent des images stéréotypées, mais pas
la vraie personne. Tandis que la voix-off écoutée par
les oreilles montre l’émotion, l’hésitation
et un moment de faiblesse humaine. À travers la voix-off, on
voit un être en chair et en os. On peut aussi dire que la voix-off
relate comment j’ai cherché la cause de ma tristesse en
examinant en détail ce que je faisais dans ce salon. Je remarque
un phénomène commun parmi mes courts-métrages sur
la mémoire : on est toujours dans un jeu de devinettes. Pendant
la vision du film, le spectateur se demande constamment : « pourquoi
? » et propose des réponses jusqu’au dénouement
final. Ce que j’ai envie de partager avec le spectateur est justement
le processus de ma recherche. Car, même moi, la personne en question,
ne connais pas immédiatement les raisons de ma réaction.
Dans la voix-off, à part le café, le thé, j’ai
mentionné spécialement des nouilles instantanées.
En fait, elles ont une connotation très partagée par les
Taiwanais. Pour un touriste, ou quelqu’un qui fait un voyage d’affaires,
de peur de ne pas pouvoir s’adapter à la nourriture étrangère,
et d’avoir trop de dépense, il en apporte plusieurs paquets
et les mange à l’hôtel discrètement. Mais
leur parfum irrésistible le trahit, tout le monde peut le sentir
dans le couloir. Pour moi, à chaque fois que je rentre à
Taiwan, dans l’avion, même si je n’avais pas faim,
je demande à l’hôtesse de l’air de me préparer
un gobelet de nouilles instantanées très chaudes. À
vrai dire, il s’agit d’apaiser une autre faim – la
faim de la nostalgie : c’est-à-dire, être enfin chez
mes parents et choyé par ma mère, manger un souper en
guise de récompense après une nuit d’étude,
ou ressentir la chaleur de la soupe lorsque dehors un typhon se déchaîne.
Ainsi, il y a beaucoup de souvenirs qui sont intimement liés
aux nouilles instantanées. C’est pourquoi elles sont un
objet très évocateur du passé du moins pour celui
qui a grandi dans cette culture.
Le fait de filmer des pièces et des outils me rappelle une expérience
un peu artistique au sein de mon travail d’ingénieur. Mais
à ce moment-là, trop immergé dans le désert,
je suis passé devant une oasis sans le savoir. Voici l’histoire
: Afin de diminuer le temps nécessaire pour démonter un
moteur d’avion en panne, en installer un autre à sa place,
et de fournir une procédure visuelle pour l’apprentissage
des mécaniciens, on a eu l’idée de faire un film.
Puisque le caméraman ne connaissait pas la réparation
d’avion, j’ai donc dessiné à la manière
de Hitchcock chaque étape du travail et indiqué plan par
plan l’angle de vue, la position et le déplacement des
mécaniciens, les outils requis, etc. Ensuite, j’ai surveillé
de près le tournage du film et suis intervenu en cas de problèmes.
Et à la fin, j’étais à côté
du monteur pour choisir des images adéquates et des musiques
pour le fond sonore. Le film a été bien réalisé.
Grâce à lui, on a réussi à mieux répartir
le travail des mécaniciens, à rendre l’ordre du
travail plus fluide, et à réduire le temps pendant lequel
l’avion devra être maintenu au sol. Ce film sert ensuite
de modèle pour d’autres projets de tournage. Ce fut une
expérience stimulante, mais mon exploration s’est arrêtée
là. Car à cette époque, je tentais d’écrire
des nouvelles et de la prose. La découverte d’un immense
univers littéraire m’attendait. Mais, qui peut imaginer
que quinze ans ou plus après, ces deux domaines deviendront mes
modes d’expression, voire le centre de ma vie ? Je suis passé
de l’autre côté du miroir. Je deviens le caméraman
qui filme les pièces d’automobile, les outils et les exposants.
Dans ce film, la tristesse vient des comparaisons. Après avoir
vu ce film, le spectateur comprend d’abord qu’il s’agit
d’une comparaison entre les secteurs automobile et aéronautique.
Ironie du sort, j’ai abandonné un bon métier d’ingénieur
pour servir des années plus tard des exposants comme garçon
de ménage. Bien que je sois reconnaissant de la somme d’argent
que l’on va me donner, je me plains quand même un peu du
gaspillage de mes capacités. Vu ma situation économique,
je suis obligé d’accepter ce gendre de travail. Ainsi,
tout indique la dégradation de ma situation. En fait, mon vrai
conflit n’est pas là. Le spectateur initié ou attentif
qui garde encore l’information donnée au début du
film dans sa mémoire, fait ensuite la deuxième comparaison.
Quand j’étais ingénieur, sans aucun souci matériel,
j’avais rêvé de devenir un jour écrivain ou
artiste. Aujourd’hui, je suis en train d’aiguiser mon art.
En le faisant, j’éprouve beaucoup de plaisir spirituel.
Mais, je ne peux ignorer les besoins concrets du quotidien. Il faut
manger et dépenser. C’est la raison pour laquelle, en apercevant
le reflet diminutif de mon passé, en un court instant, j’ai
senti un peu de tristesse et douté quelques secondes de ma décision
de changer de vie il y a longtemps. On embellit toujours là où
on n’est pas encore et là où on n’est plus.
La vie est faite ainsi. À un certain degré, mes interlocuteurs
m’envient d’avoir pu poursuivre mon idéal, mais en
même temps, ils ne voient pas concrètement la perspective
de mon choix. Ils resteront alors là où ils sont tandis
que je continue à m’aventurer dans mon chemin.
Une chose que je n’ai pas abordée dans ce film, mais qui
m’a perturbé dans ce salon, c’est mon chinois. Selon
mes compatriotes, j’ai un accent douteux, un accent qui n’inspire
pas confiance. C’est-à-dire que l’on ne peut pas
être certain de la région d’où je viens. On
m’a pris au début pour un espion industriel de la Chine
continentale et l’on a reproché au responsable de m’avoir
engagé sans connaître ma nationalité. Ainsi, on
a gardé une distance polie avec moi. Lorsque l’on me parle,
on ne rit pas. La situation n’était pas amusante du tout.
Car les trois premiers jours, dans la conversation, j’ai ressenti
beaucoup d’allusions et de non dits sans comprendre pourquoi.
C’est vraiment grave. Je ne sais pas à quoi c’est
dû, mais je prends peur. Après seulement dix ans passés
à l’étranger, j’ai déjà un accent
bizarre. Mon identité s’efface dans le mélange culturel.
Ce qui est pire c’est qu’à Belleville, des commerçants
d’origine chinoise, me comprennent difficilement. Sous le choc,
je me sens étranger dans ma propre langue. Je me rends compte
que le passé n’est pas un lieu où je peux retourner
sans problèmes. Il faut prendre en considération mon changement
entre temps. Le passé qui m’appartient existe seulement
dans mon esprit, dans ma nostalgie. Un exilé ne trouve plus son
pays natal. Une fois qu’il est parti, les gens ne le traitent
plus comme un des leurs.
Un camarade coréen, Chul Choi, a présenté sa soutenance
en 2008 avec des tableaux sur des pièces détachées,
des outils et des machines. Il m’a fait découvrir la beauté
et la poésie cachées de ces objets industriels. À
la différence de son expérience, malgré ma proximité
avec ces objets dans mon ancien travail, ils ne sont jamais ni mon centre
d’intérêt, ni ma source d’inspiration. Je n’y
trouve pas non plus de traumatisme ou de menace. Ils appartiennent seulement
à la partie logique, stable et aisée de ma vie. Par contre,
la gestion, la raison, le sang-froid, tous ces fruits de mon apprentissage
en tant qu’ingénieur, continuent à organiser ma
vie, même à influencer le processus de ma création,
à moduler ma notion de l’esthétique. Ma démarche
sinueuse forme le moi d’aujourd’hui. Si dans mon travail,
le spectateur ressent une force tranquille ou aperçoit une beauté
de l’ordre, c’est grâce à cette formation.
Ce qui est nouveau sur ce film, c’est que l’essentiel de
ce commentaire a été rédigé avant même
de commencer le montage. Car normalement, on l’écrit après
l’achèvement du film. Ce commentaire est donc à
la fois le projet (une idée, un scénario) qui envisage
ce que je vais faire et le résultat prévu comme si la
vraie existence du film était facultative. Un peu à la
manière d’un compositeur : avant de tracer des notes et
des mélodies sur la partition, il a déjà toute
la musique imprimée dans son esprit. Mais imaginer le résultat
d’une ordonnance du film est une chose, la difficulté rencontrée
dans le vrai montage en est une autre. Si les deux côtés
ne s’éloignent pas trop, je considère que j’arrive
à transformer assez fidèlement mes pensées en réalité.
revoir la vidéo
retour