J’appartiens sans le savoir à l’Eglise de la Très Sainte Consommation, comme vous sans doute. Là est mon périmètre, critique peut-il le devenir ? J’obéis aux injonctions d’achats compulsifs en pensant être totalement libre de mes choix. Bien sûr j’ai bien pensé que ces produits n’arrivaient pas chez moi par hasard, mais pensant être sûre de mon libre arbitre, persuadée que la publicité ne façonne que celui qui l’écoute, je suis restée devant les quarts d’heure de publicité sans réagir, j’ai fait de même dans les salles de cinéma sans protester. Mais je n’étais pas seule. Je pensais bêtement qu’il y avait ceux qui savent et… les autres. Ceux qui se donnent un jour sans achat dans l’année… et les autres. Puis ces mots prononcés par le président de la première chaîne de télé française : « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible ». Qu’ont-ils pris de mon cerveau…. lui et les autres ? Quelles sont leurs techniques ? Mon cerveau à poil pour coca cola, Unilever ou Procter&Gamble ? Non il ne s’agit plus seulement d’un combat politique mais d’un combat contre l’étouffement.
J’ai appris ce que merchandising signifiait. Ce vocabulaire qui pourrait pourtant appeler à des notions plus sensuelles : facing, carré latin, blind test, échelle d’attitude, eye tracking, affinité, fidélisation, impulsion, niche, zone de chalandise, implantation horizontale, mais qui en réalité vous place au bon moment au bon endroit.
Est-ce mon cerveau limbique, celui qui gère normalement les besoins fondamentaux, la routine, les rituels qui ne me laisse plus entendre « je l’aurai un jour, je l’aurai » sans penser à une pub, qui m’empêche de dire « promesse tenue », ou qui me dit qu’il n’y a qu’un seul ami pour le petit déjeuner ?
J’ai vu des gens vendre leur cadeau de noël parce que l’injonction est plus forte que le don.
J’ai entendu un enfant dire que l’argent ne fait pas le bonheur mais qu’il ne sait pas ce qu’est le bonheur. Combien de temps faut-il à un enfant occidental pour le vouer à cette grande Eglise ?
J’ai vu le film de Vit Klusak et Filip Remunda Un rêve tchèque, j’ai vu ces hordes de personnes de tous âges courir un champ pour entrer dans un fabuleux grand magasin qui n’existait pas, une gigantesque campagne publicitaire leur annonçait pourtant cette vérité. Il parait que nous sommes dans l’ère du soupçon, mais il faut remarquer qu’en matière de publicité et d’achats les adeptes du soupçon ne font pas légion. S’ils le disent c’est que ça doit être vrai.