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Le sujet du film silence à travers l'histoire de ma famille et l'histoire de mon pays. Faire un travail de mémoire individuelle et de mémoire collective. Travailler à partir des points en communs de ces deux histoires qui ont tracé ma vie. Le point en commun qui j'y trouve c'est l'absence de parole, l'acceptation d'une réalité qui nous serait extérieure et donc elle prendrait la place d'une vérité incontestable. Nous serions obligés à vivre avec elle sans aucun questionnement possible.
Le film doit prendre l'espace et le temps de ce questionnement qui n'a pas eu lieu et donc qu'il devient l'espace d'une réflexion.
Je ne veux pas faire un film qui parle de moi, ce n'est pas une autobiographie. Même si je serais présente peut-être en image, sûrement en paroles. Ce film représente un défi très important pour moi, je veux rompre avec un silence de plusieurs vies. Et cela signifie mettre en question le rapport qu'ont mes parents avec la parole mais aussi le mien et celui de la société argentine. Il peut sembler prétentieux de vouloir parler de l'histoire de mon pays à partir de l'histoire de ma famille et surtout de mes parents. Mais je crois que le silence est ancré dans cette société. Et d'autre part je pourrais aussi dire que je veux utiliser l'histoire sociale pour parler de mon histoire personnelle. Je crois qu'on a accès qu'a des marceaux d'histoire qui sont faits de notre propre expérience et donc l'histoire sociale (si toutefois il y a) est imbriquée à chaque histoire individuelle et c'est à partir de cette histoire particulière, individuelle, personnelle qu'on peut construire une histoire sociale, collective.
Et il faut faire un travail de déconstruction entre histoire personnelle et collective. Et un travail d'archéologie (dans le sens foucaultien du terme) sur le sens de ces mots que je suis en train d'utiliser et d'assimiler: personnelle, individuelle, particulière, etc.
L'idée du film est de travailler sur la construction de la mémoire "sociale", collective. L'Argentine, comme la plupart des pays latino-américains, a souffert entre les années 1976 et 1983 la pire des dictatures de son histoire. Il y a eu 30 000 disparus.
Mon film ne veut pas être un discours fermé, il s'agit de faire un travail de mémoire individuelle mais aussi de mémoire collective à partir des témoignages de deux générations: la mienne et celle de mes parents. Mon travail consistera à relever les questions déjà latentes. Et c'est en partant de mon expérience que je vais faire un essai de reconstruction de l'histoire. Le témoignage de mes parents aura une place très importante dans le film. Dans ma famille, on n'a jamais vraiment parlé de cette époque (peut-être je peux dire sans peur d'équivoque qu'on n'a jamais vraiment parlé -tout court), ce que j'en connais, je l'ai connu avec mes amis. Je veux mettre en question le problème du consentement massif qu'implique le silence de la société; Je m'intéresse aux témoignages de gens qui à cette époque-là ne s'étaient pas senti impliqués. C'est à partir de la quête de notre propre individualité que je crois qu'il est possible de chercher à comprendre l'histoire. Mais cette compréhension sera toujours partielle, limitée, approximative, mais aussi la seule à laquelle nous pourrions avoir accès.
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C'est un film qui doit se passer en Argentine et qui doit aborder les trente-deux dernières années. Ce sont mes années de vie. Alors il y a une contrainte d'espace qui empêche que ce projet soit le projet de l'atelier vidéo. Contraint d'espace mais aussi de temps, de temps de réflexion, ce film ne peut aboutir dans la période de deux semestres. Mais il est très (peut être trop) présent dans moi pour que je puisse envisager autre sujet de film dans se moment-là. Je veux que tout mon travail de cette année soit autour de ce projet et c'était en pensant à cela que j'ai fait les choix de mes cours. Donc je me suis dit que je devais trouver un compromis qui me permettra d'avancer dans mon projet et répondre aux contraintes du cours. Et je crois l'avoir trouvé. Il y a déjà plusieurs jours, j'ai eu la chance d'écouter Armand Gatti, pour la première fois de ma vie et cela a été vraiment une découverte merveilleuse. Lui, pour répondre à la question de comment créer, écrire , une pièce de théâtre a cité un enseignement qu'il avait tiré de sa rencontre avec Mao Tse-tung: il faut se poser la question de "qui s'adresse à qui". Mon compromis s'agit de me concentrer dans le premier "qui" de cette formule, c'est-à-dire, mon projet pour ce cours sera d'avancer sur la réflexion de pourquoi je veux faire ce film et qui est dans ce je qui veux faire ce film.
Mon projet pour cet atelier est donc: une vidéo sur le travail de réflexion et création artistique en partant du sujet qui filme. C'est le film d'un autre film qui en train de se créer (si je peux me permettre dire autrement : de grandir).
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Périmètre critique,
définir un lieu, un sujet, réfléchir sur les limites du lieu qu'on choisit,
lieu imposé, lieu choisi,
autour de moi,
la parole,
quelle langue,
le langage,
filmer chez moi pour parler d'un autre chez moi,
filmer ailleurs et filmer chez moi, ailleurs et chez moi se mêlent,
mon ailleurs actuel c'est cet autre chez moi que je veux filmer,
recherche d'un autre langage différent au celui des mots,
construire un langage, mon propre langage,
un langage de la vidéo,
une poétique,
réflexion sur le média : vidéo,
réflexion sur les images et notre relation avec elles,
réfléchir sur le besoin de mettre en images des mots,
ou de mettre des mots aux images,
quête de lieu et quête de paroles,
exercices de mémoire,
recherche et découverte
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