Cinéclub-débat autour de Melvin Van Peebles | mercredi 5 janvier 2005 | 17h-19h | |
Cette séance est conçue comme une suite à l'inter-atelier "Tactiques urbaines", laboratoire des enseignements artistiques et des pratiques urbaines à ECObox, tenue le 15 décembre 2004, dans lequel EGOSYSTEM avait proposé à la fois un concert et une projection cinéclub du film de Melvin Van Peebles. Ce Cinéclub-Débat permet de revenir sur le film avec les Ego6 qui animeront le débat, proposeront des extraits de film et rédigeront le texte qui suit. Sweet Sweetbacks Baad Asssss Song de Melvin Van Peebles Année : 1971 Durée : 1:37 Réalisation : Melvin Van Peebles Scénario : Melvin Van Peebles Acteurs : Simon Chuckster, Melvin Van Peebles, Hubert Scales, John Dullaghan, West Gale, Niva Rochelle, Rhetta Hughes, Nick Ferrari, Ed Rue, John Amos, Lavelle Roby, Ted Hayden. |
Le contexte historique - le scénario - le sujet |
Il est important de repréciser le contexte historiques du film. Sweet Sweetbacks Baad Asssss Song est montré pour la première fois au public en 1971, époque marquée aux États-Unis par la fin de la guerre du Vietnam et par les émeutes qui ont enflammé le quartier de Watts à Los Angeles (affrontements inter-ethniques violents qui se sont soldés par une répression sanglante de larmée). Martin Luther King est mort. Woodstock annonce lémergence de la culture psychédélique et les bavures policières se multiplient. Cest dans une Amérique au racisme exacerbé et violent que les responsables des studios hollywoodiens décident de prendre une mesure symbolique en ouvrant leurs portes à trois réalisateurs noirs-américains, avec lidée de la refermer aussitôt après eux. Ainsi Gordon Park (La colline des potences puis Shaft), Michael Schultz (Car Wash) et Melvin Van Peebles pour Watermelon Man sont les trois seuls à profiter de cette opportunité. Sweet Sweetbacks Baad Asssss Song, à sa sortie, fait leffet dun coup de tonnerre dans ce pays où peu de films peuvent prétendre avoir changer à la fois le cinéma et la vie. Melvin Van Peebles a réussi à allier dans ce film, langage cinématographique et politique. Il a maîtrisé ce long métrage d'un bout à l'autre de la chaîne de production et de diffusion. Sweetback, le héros est au début un petit gigolo qui anime des shows pornographiques dans une maison close. Son proxénète le loue à la police pour effectuer un faux témoignage. Pendant un trajet en voiture, les agents de police tombent sur une manifestation pro-black et arrêtent un des leaders du mouvement. Alors quils sont en train de passer à tabac le jeune révolutionnaire, Sweetback qui les accompagne sort de son mutisme et tue ces policiers. Le film prend alors une autre tournure. Notre héros a fait un grand pas pour sortir de cette immense spirale de passivité. La suite des événements se résume assez bien par lexpression "Running Movie", où Sweetback est en cavale et tente déchapper à une interminable traque policière. Il va passer dans de multiples micro-sociétés avant datteindre la frontière mexicaine. Le film nous présente une série déléments cycliques, du montage au thématique, dans lesquels Sweetback passe et semble sêtre libéré. D'un point de vue technique, Melvin Van Peebles utilise des cadrages non conventionnels avec un montage psychédélique hérité des films pornographiques de l'époque (textures multicolores, pellicule surexposée, splistscreen). Il va d'ailleurs emprunter l'appellation "classé X" pour jouir d'une plus grande liberté de tournage. Son film est ainsi réalisé en dehors de tout syndicat. Les quinze premières minutes sont d'ailleurs une suite de scènes érotiques censées tromper la censure, le contenu politique n'est abordé qu'après. Le financement s'effectue aussi d'une manière aventureuse. Grâce aux bénéfices de Watermelon Man et 50 000$ empruntés à Bill Cosby, auxquels s'ajoutent diverses arrivées dargent durant le tournage, le film jouit dun budget total de 100 000$ pour une recette finale de 10 M$.Cest une énorme réussite financière (parmi les plus grosses réussites du box office américain) qui ne restera pas longtemps inexploitée par les grandes firmes du cinéma (d'ailleurs Shaft sauvera la MGM de la faillite). Melvin Van Peebles orchestre savamment la publicité de son film en utilisant une méthode très peu usitée à lépoque, celle de la bande originale. Il a pour cela fait appel au groupe de musique Earth, Wind & Fire encore largement inconnu, créant ainsi lalliance entre musique et cinéma noirs. La B.O. sort sur Stax et est diffusée avant la sortie du film. Rencontrant un succès immédiat, elle joue un grand rôle dans sa promotion. Initiative qui quelques mois plus tard sera reprise donnant les bandes sons historiques d'Isaac Hayes pour Shaft, de Curtis Mayfield avec Superfly, ou de Willie Hutch et The Mack. Sweet Sweetbacks Baad Asssss Song est une grande aventure humaine, politique et financière. Elle va marquer durablement les mentalités et pas exclusivement celles des populations black, comme certains lont pensé. Ce film nest en aucun cas une vision dogmatique et Black Panther, il rend simplement compte de manière poétique, de la situation des années 70 aux Etats-Unis et annonce le courant blaxploitation. Ego6. janvier 2005 |
Connexions implicites du film avec le pop-art selon Richard Prince (LT) |
On peut raccrocher l'art de Van PEEBLES à un art attentif comme celui de Richard Prince (un pop art attentif au tragique ordinaire, qui traite de l'Amérique des motards et des cow-boys, qu'on retrouve inversée ou retournée comme un gant dans le personnage du héros de Melvin Van Peebles. 'Moments d'art contemporain' avait reçu Jeff Rian, artiste et critique d'art, historien du pop art. On peut relire des éléments de sa conférence dans le site ici-même. |
Avec "Angels camps" d'Emmanuelle Antille. Une histoire qui est un sujet (voir plus bas) |
Emmanuelle Antille s'attache à développer une fiction, à donner vie aux histoires et à l'univers d'Angels Camp, 'dés-accordé' à une musique rock. À la fois un documentaire de l'histoire d'une région et de ses habitants et une saga en quatre épisode, filmée tout au long d'une année, au fil des saisons. Emmanuelle Antille soigne le scénario, si soigné que l'histoire en devient un sujet (en 20 secondes quel est-il, quel est celui de Sweet....? L'histoire est une tragédie ordinaire d'une famille 'quart monde', en quatre pans, installée magnifiquement à la biennale de venise en 2003, dans le pavillon suisse. il en reste une 'scorie' flash sur internet http://www.angelscamp.ch/, un cd musical de rock d'artiste, un livre trop papier glacé et le récit ici-même qui supplée au film absent. Ce récit est repris du "Document Emmanuelle Antille, avril 2003, en très larges extraits, librement annotés au passage. Les quatre pans de l'histoire, ce sont aussi les quatre saisons, les personnages sont aussi les saisons : la Femme à la torche, sa mère et sa soeur imaginaire, Celya et Arantxa, les deux Adolescentes des cabanes, l'homme de la forêt, la jeune fille de la rivière, Marie, Dani, le Chien blanc et les fillettes au poulain. La fiction plonge dans la vie, les rêves et la destinée des personnages. Angels Camp est le territoire de leur imaginaire. 1er épisode (16'): By the river, À VENISE, EMMANUELLE ANTILLE crée une architecture en cinq espaces, l'entrée, la cour intérieure, la grande salle, le couloir et la petite salle... La grande salle : Into the purple circle .... La petite salle Angels Camp, le film Document Emmanuelle Antille, avril 2003. |
Avec Omer Fast |
Dans le site de fri-art de Fribourg, http://www.fri-art.ch/data/flash.html, on trouve dans l'archive 2003 / 3 5 juillet - 14 septembre 2003, la fiche de l'exposition FICTION OU REALITE? dans laquelle on peut pointer cet art "attentif": l'une de Omer Fast "CNN concatenated (2002)", "montage-démontage de 10'000 mots, démontrant l'aspect unipolaire de l'endocrinement télévisuel. Son installation intitulée "A Tank Translated" (2003) conte les histoires de quatre soldats israëliens, confinés dans un blindé. Ils monologuent, devant la caméra chacun à la place qu'ils occupent dans le tank, signalée et reprise à l'identique par chacun des moniteurs soclés. Apparaît à l'écoute attentive devant chaque tankiste, de chaque moniteur, la complexité et les paradoxes du quotidien de ces jeunes gens. |
Avec même le "Petit soldat" de Godard |
"Le Petit Soldat." Sort en 1963. Il y a une histoire ou mieux ...Le Petit Soldat a un sujet : un garçon a lesprit confus, il sen aperçoit et cherche à avoir lesprit plus clair L'Histoire 1958. La France doit faire face à la guerre dAlgérie. Bruno Forestier, déserteur, travaille en Suisse, pour le compte dun groupuscule dextrême-droite. Ses amis le soupçonnent de pratiquer le double jeu et le mettent à lépreuve en lui ordonnant dassassiner un journaliste de Radio Suisse... Interdit par la censure française, le Petit Soldat ne sortit quen 1963. Godard y donnait sa définition du cinéma : Cest vingt-quatre fois la vérité par seconde. Le sujet Le sujet est quelque chose de simple et de vaste quon peut résumer en vingt secondes : la vengeance, le plaisir... lhistoire, on peut la résumer en vingt minutes. Le Petit Soldat a un sujet : un garçon a lesprit confus, il sen aperçoit et cherche à avoir lesprit plus clair. ____________________________ Entretien (dans Jean-Luc Godard par Jean-Luc Godard Les Cahiers du cinéma rencontrent Godard après ses quatre premiers films Cahiers : Vous êtes venu au cinéma par la critique. Que lui devez-vous? J-L G : Nous nous considérons tous, aux Cahiers, comme de futurs metteurs en scène. Fréquenter les ciné-clubs et la cinémathèque, cétait déjà penser cinéma et penser au cinéma. Écrire, cétait déjà faire du cinéma, car entre écrire et tourner, il y a une différence quantitative, non qualitative..... En tant que critique, je me considérais déjà comme cinéaste. aujourdhui je me considère toujours comme critique, et, en un sens, je le suis plus encore quavant. Au lieu de faire une critique, je fais un film, quitte à y introduire la dimension critique. Je me considère comme un essayiste, je fais des essais en forme de roman ou des romans en forme dessais : simplement je les filme au lieu de les écrire. Si le cinéma devait disparaître, je me ferais une raison : je passerais à la télévision, et si la télévision devait disparaître, je reviendrais au papier crayon. pour moi, la continuité est très grande entre toutes les façons de sexprimer. Tout fait bloc. La question est de savoir prendre ce bloc par le côté qui vous convient le mieux. Nous pensions cinéma, et à un certain moment, nous avons éprouvé le besoin dapprofondir cette pensée. Le dialogue : Jamais le dialogue de Belmondo (À bout de souffle) na été inventé par lui. il était écrit :seulement, les acteurs ne lapprenaient pas, le film était tourné en muet et je soufflais les répliques. Nos premiers films ont été purement des films de cinéphiles. On peut se servir même de ce quon a déjà vu au cinéma pour en faire délibérément des références.... Je raisonne en fonction dattitudes purement cinématographiques. Mon goût de la citation : Les gens dans la vie citent ce qui leur plaît. Nous avons donc le droit de citer ce qui nous plaît. Je montre donc des gens qui font des citations : seulement ce quils citent, je marrange pour que ça me plaise aussi à moi. dans les notes où je mets tout ce qui peut servir à mon film, je mets aussi une phrase de Dostoïevski, si elle me plaît. Pourquoi me gêner? Si vous avez envie de dire une chose, il ny a quune solution : la dire. ------------------------------------------------------------ Si nous prenons la caméra à la main, cest pour aller plus vite, tout simplement. Je ne pouvais pas me permettre un matériel normal qui aurait allongé le tournage de trois semaine...Celui de mes films où ce mode de tournage [la caméra à la main] est le plus justifié est Le petit soldat. Les trois-quart des réalisateurs perdent quatre heures avec un plan qui demande cinq minutes de travail de mise en scène proprement dite, moi je préfère quil y ait cinq minutes de travail pour léquipe et me garder trois heures pour réfléchir. Ce qui ma demandé du mal, cest la fin, le héros allait-il mourir? au début, je pensais faire le contraire... je me suis dit à la fin que, puisquaprès tout mes ambitions avouées étaient de faire un film de gangsters normal, je navais pas à contredire systématiquement le genre : le type devait mourir. Comment considérez-vous lacteur? Ma position envers eux a toujours été pour moitié celle de linterviewer face à linterviewé. Je cours derrière quelquun et je lui demande quelque chose. En même temps, cest moi qui ai organisé la course. Sil est essouflé, sil est fatigué, je sais quil ne dira pas la même chose quen dautres circonstances. Mais jai changé dans la façon dorganiser la course. ------------------------------------------------------------------------------------ Quest-ce qui vous a amené au Petit soldat? jai voulu rejoindre le réalisme que javais manqué dans À bout de souffle, le concret. Le film part dune vieille idée : je voulais parler du lavage de cerveau. On disait à un prisonnier : ça demande vingt minutes ou vingt ans, mais on arrive toujours à faire dire quelque chose à quelquun. Les événements dAlgérie ont fait que jai remplacé le lavage de cerveau par la torture qui était devenue la grande question. Mon prisonnier est quelquun à qui lon demande de faire une chose et qui na pas envie de la faire. Simplement pas envie, et il se bute, pour le principe. Cest la liberté comme je la vois : dun point de vue pratique. Être libre, cest pouvoir faire ce qui vous plaît, au moment qui vous plaît. Le film doit témoigner sur lépoque. On y parle de politique, mais il nest pas orienté dans le sens dune politique. Ma façon de mengager a été de dire : on reproche à la Nouvelle Vague de ne montrer que des gens dans des lits, je vais en montrer qui font de la politique et qui nont pas le temps de coucher. Or la politique, cétait lAlgérie. Mais je devais montrer cela sous langle où je le connaissais et de la façon dont je le ressentais. Si Kyrou ou ceux de lobservateur voulaient quon en parle autrement, très bien, mais ils navaient quà se rendre avec une caméra chez le FLN, à Tripoli ou ailleurs. Si Dupont voulait un autre point de vue, il navait quà filmer Alger du point de vue des paras. Ce sont des choses qui nont pas été faites et cest dommage. Moi, jai parlé des choses qui me concernaient, en tant que Parisien de 1960, non incorporé à un parti. Ce qui me concernait, cétait le problème de la guerre et ses répercutions morales. jai donc montré un type qui se pose plein de problèmes. Il ne sait pas les résoudre, mais les poser, même avec un esprit confus, cest déjà tenter de les résoudre. Il vaut peut-être mieux se poser dabord des questions que refuser de se rien poser ou de se croire capable de tout résoudre. On a trouvé le film discutable, on a parlé de confusion? Moi, je trouve cela bien, quil prête à discussion. Cest lintérêt quil a, outre le fait dêtre un film daventures. Après lavoir vu, on peut discuter sur la torture : jai voulu montrer que ce quil y a de plus terrible en elle, cest que ceux qui la pratiquent, eux, ne la trouvent pas discutable du tout. Ils sont tous amenés à la justifier. Or cest terrible, car au départ, personne ne pense quil pourra un jour la pratiquer ou seulement la regarder pratiquer. En montrant comment on est amené à la trouver normale, je montre laspect le plus terrible de la chose. De plus, il ne faut pas oublier que je ne suis pas toujours à la même distance des personnages. On doit sentir le moment où je suis très près, celui où je décolle. La première phrase du film est: Le temps de laction est passée, celui de la réflexion commence. Il y a donc un angle critique. Tout le film est un retour en arrière : le présent, on ne le voit pas....cite Pickpoket et la dame de shanghai . Quant à la confusion puisque cest un film sur la confusion, il fallait bien que je la montre. Elle est partout. Elle est aussi bien chez le héros qui voit que lOAS et le FLN citent tous deux Lénine. De plus mon personnage, souvent théorique, en cherchant dune certaine façon à simplifier les choses accroît la confusion. Limportant est quon croit à ce personnage. On doit voir quil parle faux, quil est faux, et que tout dun coup il dit un mot juste. On doit se dire alors : ce quil disait avant nétait peut-être pas si faux que ça. Ou ce quil dit maintenant nest peut-être pas tout à fait juste. En tout cas, ces choses il les dit de manière touchante. Donc le spectateur est libre. Il se trouve aussi que, maintenant, il voit mieux la complexité du problème, mais avant elle existait déjà. On pouvait très bien aborder le problème dans loptique dun type qui est complètement perdu. Lintéressant nest pas de discuter des heures pour savoir sil faut ou non gracier Salan, cest de savoir si, étant dans cette position de lui tirer dessus, vous le faites ou non. Tant quon nest pas dans cette position, on ne peut décider. Dans Le petit soldat, cest la position que jai voulu montrer. Tout ce quon dit dans le film importe peu si lon voit que, dans cette situation, ce pouvait être dit. le type est bizarre, confus, mais pas faux. Lui, croit sa solution juste; moi, je ne dis pas quelle lest ou non, je dis seulement quelle est possible. Du reste, les événements mont donné raison depuis, sur beaucoup de points. --------------- Le petit soldat est un film policier où lon vit des aventures dont lorigine est politique... jai des intentions morales, psychologiques, qui se définissent à partir de situations nées dévénements politiques. Cest tout. Ces événements sont confus, cest comme ça. Mes personnages aussi le regrettent. Mon film est celui de la génération qui regrette de navoir pas eu vingt ans au moment de la guerre despagne. Sil est important pour Subor de se poser des questions, il est non moins important pour le spectateur de sen poser, et il est important pour moi quil sen pose. Si, après voir vu le film, on se dit : il a montré ça, mais pas la solution, au lieu dêtre furieux contre ce film, on devrait lui en être reconnaissant. Les questions sont mal posées? Mais cest justement lhistoire dun type qui se pose mal certaines questions. Le personnage est un dedans vu du dedans. On doit être avec lui, voir les choses de son point de vue, au fur et à mesure quest racontée lhistoire extérieure. Le film est comme un journal intime, un carnet de notes, ou le monologue de quelquun qui cherche à se justifier devant une caméra presque accusatrice, comme on fait devant un avocat ou un psychiatre. Là lacteur apporte beaucoup, il maide à préciser mes idées. Subor a apporté son côté un peu fou, perdu, étourdi du personnage, ce sont souvent ses réactions à lui, ses réflexes à lui qui jouent. Jai eu beaucoup de peine à tourner Le petit soldat. Nous aurions pu le tourner en quinze jours. Avec les arrêts, cela nous a pris deux mois. Je réfléchissais, jhésitais? Au contraire dÀ bout de souffle, je ne pouvais pas tout dire. Je ne pouvais dire que certaines choses, mais lesquelles? Enfin, cest déjà quelque chose que de savoir ce quil ne faut pas dire : à force déliminer, restait ce quil fallait dire. Maintenant, je sais mieux comment je dois faire : jécris les moments forts du film, ce qui me donne une trame en sept ou huit points. Quand les idées me viennent, je nai plus quà me demander à quel point, à quelle scène les rattacher. Ce qui maide à trouver des idées, cest le décor. Souvent même, je pars de là. Genève était un décor que je connaissais, jy avais vécu pendant la guerre. Je me demande comment on peut placer le repérage après la rédaction du scénario. Il faut dabord penser au décor. Et souvent, quand un type écrit : Il entra dans une pièce, et quil pense à une pièce quil connaît, le film est fait par un autre qui pense à une autre pièce. ça décale tout. on ne vit pas de la même façon dans des décors différents. Nous vivons sur les Champs Elysées. Or, avant À bout de souffle, aucun film ne montrait lallure que ça a. Mes personnages le voient soixante fois par jour, ce décor, je voulais donc les montrer dedans. On voit rarement lArc de triomphe au cinéma. Mais là aussi, je rejoignais limprovisation. Or, après Le petit soldat, je me suis dit : cest fini. Rossellini Il est le seul qui ait une vision juste, totale des choses. Il les filme donc de la seule façon possible. Personne ne peut filmer un scénario de Rossellini, on se posera toujours des questions que lui ne se pose pas. Sa vision du monde est si juse que sa vision du détail, formelle ou non, lest aussi. Chez lui, un plan est beau parce quil est juste, chez la plupart des autres, un plan devient juste à force dêtre beau. Ils essaient de construire une chose extraordinaire, et si effectivement elle le devien, on voit quil y a des raisons de la faire. Rossellini, lui, fait des choses quil a dabord des raisons de faire. Cest beau parce que ça est. Le cinéma est le seul art, qui filme la mort au travail. La personne quon filme est en train de vieillir et mourra. On filme donc un moment de la mort au travail. La peinture est immobile; le cinéma est intéressant, car il saisit la vie et le côté mortel de la vie. Je crois que je pars plutôt du documentaire pour lui donner la vérité de la fiction. Cest pourquoi jai toujours travaillé avec des acteurs professionnels, et excellents. Sans eux, mes films seraient moins bons. Ce qui mintéresse aussi, cest le côté théâtre. Dans Le Petit soldat, déjà, où je cherchais à rejoindre le concret, jai vu que, plus je me rappprochais du concret, plus je me rapprochais du théâtre. --- La sincérité de la NOUVELLE VAGUE, ça a été de parlé bien de ce quelle connaissait, plutôt que de parler mal de ce quelle ne connaissait pas, et aussi de mélanger tout ce quelle connaissait. . |
Connexion implicite l'Hypnerotomachia Poliphili | Le songe de Polyphile | |
http://mitpress.mit.edu/e-books/HP/index.htm http://www.arpla.univ-paris8.fr/~canal2/lectures/jedeballe/index.html |